Songs to no one 1991-1992

Jeff Buckley

par David Lopez le 05/10/2000

Note: 4.0    

Guitariste de Captain Beefheart, Gary Lucas découvre Jeff Buckley en avril 1991 lors d'un concert-hommage à son père Tim Buckley à St Ann's Church de New-York, et lui propose de rejoindre son groupe Gods & Monsters. Ils entament alors une année de collaboration fructueuse qui posera les prémisses de l'album "Grace", sorti en 1994. "Songs to no one" propose des bandes enregistrées pendant cette période en solo, duo ou en groupe avec Gary Lucas, principalement chez lui et à la Knitting Factory, haut lieu de la scène alternative new-yorkaise. Elles nous font découvrir un Jeff Buckley en jeune prodige, nullement intimidé par ce tumulte créatif qui le portera au sommet. C'est bien évidement un plaisir de retrouver cette voix unique, déjà virtuose, et de découvrir certains titres comme "Songs to no one", "Cruel" ou "Harem man" (qu'on jurerait sortie de Led Zep III), jusqu'ici introuvables même sur internet où circulent pourtant tant d'inédits, concerts complets et sessions radio en tous genres. Un plaisir encore de découvrir les démos de "Grace" ou "Mojo pin" et de mesurer le talent d'Andy Wallace (producteur de l'album "Grace") au regard de l'objet final. La sélection évite les plus gros écueils (les concerts à St Ann's de 1991 ou 1992 justement) mais la rigidité du concept nous prive de superbes moments datant de 1992 à 1994 (la reprise de "Madame Georges" de Van Morrison, "Strange fruit", "Please send me someone to love", "Alligator wine"...), au profit de morceaux sans grand intérêt, comme cet "Hymne à l'Amour" de Piaf vaguement expérimental ou cette version live de "Satisfied mind" qui n'ajoute rien à la celle déjà présente sur le posthume "Sketches for my sweetheart the drunk", si ce n'est un overdub douteux du guitariste Bill Frisell (procédé qu'on retrouvera sur le morceau "She is free" doublé par le groupe Sex Mob, tous cuivres dehors !). Ô joies du marketing . Voilà donc un 'nouvel' album de Jeff Buckley à l'américaine, aux relents fumeux d'opération juteuse et d'ego démesuré, à moins qu'une grosse crise d'altruisme ait poussé Mary Guilbert (mère de Jeff Buckley et nouvelle 'Veuve Hergé') et Gary Lucas à nous livrer ce recueil de prises lives mal ajustées et autres premiers jets qui n'auraient jamais dû sortir des placards, par pure bienveillance envers un public orphelin qui se raccrocherait à la moindre relique... Fallait pas se donner tout ce mal Madame, quelques morceaux en téléchargement gratuit sur le site internet de l'artiste auraient suffit à notre bonheur.