Circus live

John Cale

par Emmanuel Durocher le 03/11/2008

Note: 8.0    

Un père sourd et une mère muette (c'est ce qu'il prétend), une éducation musicale classique au pupitre d'un violon alto, une rencontre avec John Cage, une participation à l'aventure brumeuse du Dream Syndicate avec LaMonte Young et Tony Conrad. Qui aurait pu prédire de John Cale avant sa rencontre avec Lou Reed un destin d'icône rock que ce soit au sein du Velvet Underground, au cours de sa carrière solo (trente albums tout de même) ou lors de ses innombrables collaborations et productions (Nico, Stooges, Patti Smith, Modern Lovers, Siouxie and the Banshees ou chez nous Marie & les Garçons et Louise Féron…).
 
Enregistrés dans des salles de petite taille lors des tournées européennes de 2004 et 2006, les vingt-trois morceaux de "Circus live" permettent d'avoir un aperçu de la carrière du Gallois de l'album à la banane du Velvet de 1967 à ses dernières réalisations en 2005, de se replonger dans des titres immortels et d'en découvrir d'autres – ceux qui connaissent tous les morceaux de John Cale doivent être très rares.  Il y a cependant une préférence pour le milieu des années 70 – "Paris 1919" et le tryptique de la période Island : "Helen of Troy", "Fear" et "Slow dazzle" - et ses deux derniers albums "HoboSapiens" (2003) et "Black acetate" (2005) dont ces concerts assuraient un peu la promotion. Accompagné par les musiciens de studio de "Black acetate" (Dustin Boyer à la guitare, Joseph Karnes à la basse et Michael Jerome à la batterie) et une technique irréprochable – ce qui n'a pas toujours été le cas pour les concerts de John Cale – le groupe fait la part belle à la guitare électrique et un son souvent puissant mais toujours en complémentarité avec les compositions et l'archet de celui qu'on appelait Johnny Viola et qui fut un pont entre le rock et le classique, entre l'Europe et l'Amérique. Les échos du public se résument à quelques applaudissements polis et finalement inutiles pour un disque live dont les enregistrements ont été piochés ça et là.
 
Le premier disque étonne par son homogénéité. Une cohérence qui s'impose malgré l'anarchie chronologique des morceaux et le mélange des styles qui brouille les pistes en rendant certaines chansons méconnaissables, du power rock psychédélique de "Save us" au funk répétitif de "Hush" en passant par la version aventureuse de "Femme fatale / Funeral rosegarden of scores". Mais même si près de quarante ans séparent les crissements de violon de "Venus in furs" et les spasmes vocaux de "Woman", les interprétations magistrales grâce à la voix titanesque de l'ancien aristocrate tourmenté du Velvet donnent toute leur ampleur aux mélodies schizophrènes et baroques dont le point de convergence semble être la recherche de la perfection. Sur le second Cd, on retrouve pas mal de reprises déjà présentes sur ses albums studio ("Walking the dog" de Rufus Thomas Jr, le fantastique "Pablo Picasso" produit pour Johnathan Richman et ses Modern Lovers ou le standard d'Elvis "Heartbreak hotel"). Un ensemble apaisé et plus expérimental – dont les six derniers titres font partie du même concert à Amsterdam. "Oublier les paroles, oublier les chansons pour ne retenir que le bruit, c'est cela notre son", une citation des années 60 que John Cale remet à jour pour clore cet album avec quelques plages de bourdonnements (drones) qui rendent hommage au Dream Syndicate.