71 ans, une dégaine d'actrice de soap,
plus de cinquante ans de carrière, revenue de tout, de la dépression
comme de la bouteille, mais la voix, cette "même" voix que
dans les années soixante, pure et cristalline, quand siamoise d'une
Joan Baez, Judy Collins était une des fers de lance du nouveau folk
américain, habituée de Newport et de Greenwich Village, celle pour
qui Stephen Stills écrivit "Suite
: Judy blue eyes" sur le premier album de Crosby, Stills &
Nash.
La verve d'écriture n'est plus là, et ses albums se
contentent à présent d'empiler les reprises - le précédent, en
2007, s'attaquait au répertoire de Lennon et McCartney. Celles que
"Paradise" propose sont souvent l'occasion de duos (avec
Joan Baez, Stephen Stills, Michael Johnson), puisent dans le
répertoire de ses collègues folkeux (pas Dylan, mais Tom Paxton,
Stanley Jones ou Amy Speace), pop ("Gauguin" de Jimmy
Webb), s'auto-citent ("Over the rainbow" qu'elle chantait
déjà en 1965) avec la primeur d'une chanson originale toutefois,
"Kingdom come", dédiée aux pompiers de Ground Zero.
Un
album qui s'écoule comme l'eau claire filant tranquille sur les
galets d'un jardin japonais, calme et serein, avec deux temps forts,
l'hyper-standard "Ghost riders in the sky" à qui elle
redonne une grâce que les nombreuses versions western avaient à
force gommée (Tom Paxton et Jimmy Webb aux chœurs) et "Once i
was" de Buckley, dont elle parvient à extraire l'essence tout
en la faisant sienne. Du grand art.