Incognita

KK Null . Israel Martinez . Lumen Lab

par Hugo Catherine le 19/10/2014

Note: 9.0    

Présentée comme une œuvre en quatre temps, "Incognita" est une succession d'événements musicaux ; pris séparément, ils ne sont que perturbations ; leur assemblage forme pourtant une trame narrative bien tendue. KK. Null, Israel Martinez et Lumen Lab se distinguent de certains de leurs compères expérimentateurs en ce qu'ils savent narrer à partir de matériaux abstraits voire abscons.

Le premier temps, "Incognita I." est une illustration sublime de leur capacité à agripper leur auditeur, tant sur la longueur qu'au détour de pics d'intensité à l'effet redoutable : ici, le bruit de l'eau se déversant sans prévenir, là le chant d'un oiseau – un merle ? Excellent choix ! – se frayant une voix dans un tonnerre de sons.

Sur "Incognita II.", d'abord, les scies scient si bien que nous en perdrions l'ouïe. Mais, à l'issue d'une introduction industrielle, nous entrons peu à peu dans une jungle de signaux appelant plus une hyper exposition qu'une perte de sens auditif. Cette piste nous stimule jusqu'au vertige ; c'est court et beau.

"Incognita III." poursuit la recherche du vertige, cette fois à la lisière du malaise : les sons tournoient comme des toupies, d'une oreille à l'autre, nous matraquent le cerveau comme en temps de guerre. Une tondeuse énervée se greffe plusieurs minutes à nos lobes – et, soudain, rien ou quasi rien : un bruit mi-sifflement mi-son, qui enfle pour mieux s'aérer. Puis vient le crescendo final : dense, étourdissant, définitif. 

La première moitié d'"Incognito IV." nous perd un peu plus en chemin : est-ce l'usure des pistes précédentes ou une inspiration moins palpable ? Bien heureusement, notre impression est passagère et nous retrouvons vite et jusqu'à la dernière seconde de l'album, sous les coups de bons vieux gros beats, l'excitation d'"Incognita".