Abandonnée (avec Jacques Puech et Louis Jacques) - Maléja (avec Guilhem Lacroux et Jérémie Sauvage)

La Tene

par Cédric Antoine le 25/01/2019

Note: 8.5     
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La Tène... Voilà un groupe qui ressemble au nom qu'il s'est choisi, les trois compères - les Suisses Cyril Bondi, D'Incise (Laurent Peter) et le Français Alexis Degrenier - ressemblant plus à des Néandertaliens qu'à des bobos métro-sexuels. La Tène, du nom du dernier âge du fer, développé en Europe à l'époque ou la démocratie athénienne était en pleine bourre (Vème siècle avant J.C). période considérée comme apogée de la culture celtique. Le nom vient précisément du site archéologique proche de Neuchâtel où l'on a découvert ses premiers vestiges en 1857. Ce bref rappel historique expliquerait à lui seul la personnalité de ce trio à la solide formation musicale, tous spécialistes d'instruments anciens et éclectiques qu'ils ont décidé de remettre à l'honneur, la vielle à roue, l'harmonium indien... Ils s'entourent dans cet album d'autres spécialistes des musiques anciennes (Jacques Puech) mais aussi de musiciens évoluant dans un univers plus contemporain comme l'excellent Guilhem Lacroux.

Insérer ces instruments dans une composition moderne et dynamique comme a déjà pu le faire un Valentin Clastrier est une gageure. "Abandonnée-Maléja" n'est ni plus ni moins qu'un ovni musical construit comme une symphonie païenne à quatre mouvements qui va en laisser pantois plus d'un. Quatre morceaux d'une vingtaine de minutes chacun - de quoi rebuter de prime abord - qui piègent l'oreille dans l'engrenage de la vielle à roue, un voyage dont on ne ressort pas indemne. Les sonorités sont indéniablement anciennes mais la construction résolument moderne. On est proche d'une musique répétitive, souvent en mineur, obsédante, tournoyante, brutale mais évoluée, violente mais fine. On se retrouve téléporté deux mille cinq cents ans en arrière au milieu de Celtes partis en guerre, psalmodiant des chants mystiques, entourés de leurs druides et leur magie tellurique (toute anachronique que soit la composition musicale en ces temps obscurs).

Les musiciens sont d'une précision impressionnante pour tenir pendant quatre-vingts minutes de tels rythmes lourds et entêtants. La prouesse de La Tène et de leurs comparses est de produire un son saturé très moderne mais toujours audible, dans lequel on se plaît à retrouver la recherche qu'a pu produire le Velvet Underground sur un "Venus in furs" ou un "Sister Ray". Tous les morceaux sont d'une puissance extraordinaire et s'il est difficile d'en sortir un du lot, on écoutera volontiers "Parade du soliat" ou "Danse de l'orthia" (à fond dans la caisse, le matin en partant au boulot).

Un album remarquablement produit, en provenance du non moins remarquable label suisse Bongo Joe.