Riget (L'hôpital et ses fantômes)

Lars von Trier

par Francois Branchon le 09/07/2006

Note: 9.0      

"Riget" ("L'hôpital et ses fantômes" en VF) est une série créée pour la télévision danoise DR1 par Lars von Trier en 1994 (une saison 2 a suivi en 1997), au total 11 épisodes de 55 minutes. La série a connu une version cinéma en 1999, mais déjà à l'époque, il fallait pour la voir en France être Parisien et rapide (à l'affiche deux semaines à 18h au seul cinéma Utopia Champollion en deux séances à la suite). Par la suite, Arte a présenté la série en épisodes, mais hélas en VF. Pari gonflé, l'intégrale de "Riget" parait aujourd'hui en France en un coffret de 4 Dvd, deux par saison.

L'histoire - ou plutôt les histoires - se déroulent dans le département de neurochirurgie du Rigshospitalet (l'hôpital du royaume) de Copenhague, principal établissement de la ville, grande barre ultra-moderne construite dans les années soixante-dix. On y suit un petit nombre de patients et les membres de l'équipe médicale du Professeur et chef de service Stig Heimer, un microcosme qui va au fil du temps virer surnaturel et loufoque, croisé d'intrigues noires et de stratégies de conquêtes amoureuses en tous sens.

J'ai une appréciation variable des œuvres de Lars von Trier, parfois emballé ("Les idiots"), parfois pris d'une envie de sortir de la salle avant la fin ("Europa"). "Riget" joue à merveille de la mécanique et du rythme des séries, et von Trier semble s'être régalé à mêler ses ingrédients, avec un humour omniprésent. Il n'est rien que le voir, en ouverture de chaque épisode, impeccable en nœud pap, introduire à la manière de "Hitchcock presents", son histoire de marais médiéval peuplé de blanchisseurs qui vivrait là l'incroyable revanche des Esprits envers la science. "Riget" est du von Trier emballant, jouissif, et se regarde d'une traite. De la vraie graine à feuilletons, à frustrer les téléspectateurs devant attendre la suite la semaine suivante ! Ceux qui ont vécu la diffusion de "Twin Peaks" sur La Cinq en 1991 savent de quelle souffrance je parle...

Tourné quelques mois avant l'officialisation du Dogma 95, "Riget" est déjà dans la "chasteté" : filmé à l'épaule, en son direct, l'image saturée sépia, à laquelle on se fait vite et qui ajoute au halo mystérieux des lieux et de l'histoire.

Le personnage central du Professeur Stig Helmer, un Suédois (amoureux d'ordre, de hiérarchie et de discipline) à la tête d'une équipe de Danois (cools, fêtards et jouisseurs) installe l'intrigue sur l'antagonisme ancestral entre les deux pays qui va servir de cadre et de justification aux humiliations, aux coups bas et à leurs revanches.

Helmer, magnifiquement interprété par l'acteur suédois (disparu depuis) Ernst-Hugo Järegård, serait réfugié au Danemark pour une sombre histoire d'usurpation de thèse en Suède, puis responsable au Rigshospitalet de la mort de la jeune Anna, mort matière à chantage et une Anna dont le spectre va déclencher le barnum surnaturel, sous l'égide et les stratégies de Sigrid Drusse, octogénaire hypocondriaque accro à l'hosto, malicieusement interprétée par Kirsten Rolffes (vue également dans "Le festin de Babette" de Gabriel Axel, dont elle était la convive la plus rapidement convertie aux joies du pinard).

Une ambulance qui roule toute seule, Helmer qui monte la nuit sur le toit (de Copenhague on aperçoit la Suède) et déclame son mal du pays ("Aah Volvo ! Krisproll ! Ikea !..."), Helmer et les récurrents problèmes d'enjoliveurs de sa "Volvo 850 GLT!", un cours décoiffant de dissection humaine, des têtes piquées sur des cadavres... Et pendant tout ce temps que la troupe se concocte ses coups bas et se drague en tous sens, que des malades se réunissent la nuit en cérémonies secrètes pour faire tourner les lits, le directeur de l'hosto - rêveur et largué - peaufine ses méthodes de motivation de groupe, avec la fameuse opération "air du matin"...

Et Lars von Trier, de tendre un fil rouge qu'on jurerait hommage à Carl-Theodor Dreyer, reprenant l'idée du personnage de Johannes dans "Ordet" - ce simple d'esprit aux visions prémonitoires - avec ici deux trisomiques, préposés à la plonge au sous-sol, qui dénouent en douchant les assiettes les événements d'un récit qui se corse au fil du temps.


RIGET Générique d'ouverture



Première saison : Riget (1994)
Dvd 1
1. un hôte indésirable (63 minutes)
2. Que ton règne arrive (67 minutes)
Dvd 2
3. Un corps étranger (71 minutes)
4. Le Mort vivant (77 minutes)

Seconde saison : Riget (1997)
Dvd 3
1. Mors in tabula (63 minutes)
2. Oiseaux de passage (79 minutes)
Dvd 4
3. Gargantua (76 minutes)
4. Pandemonium (78 minutes)