Landfall

Laurie Anderson & Kronos Quartet

par Jérôme Florio le 08/06/2018

Note: 4.5    

"Landfall" est le résultat de la collaboration (au départ scénique, en 2015) entre deux poids lourds de la scène artistique depuis des décennies : Laurie Anderson, versée dans le multimédia (performeuse, photographe, vidéaste…), auteure d'un hit en 1982 (le vocoderisé "O superman" dont l'aura culte reste pour nous une énigme) et le Kronos Quartet, quatuor à cordes formé en 1973, spécialisé dans la création d'œuvres de musique contemporaine, et qui a croisé la route de nombreux artistes de la pop culture musicale (David Bowie, Björk, Tom Waits, Mogwaï…).

Entre eux, la férue de technologie Laurie Anderson a interposé un concept (on touche à l'art contemporain) : un logiciel conçu au départ pour un alto seul, mais recalibré pour le quatuor, et qui transforme les sons de ce dernier en textes, avec en plus un "optigan" (on se croirait dans un des films "Transformers"), clavier qui utilise des données stockées dans un disque optique. Bref, on n'a rien compris.

Le résultat est un disque d'une trentaine de plages pour l'immense majorité instrumentales, et donc portées par le seul Kronos Quartet. Elles sont majoritairement courtes. Laurie Anderson parle sur quelques titres (Laurie Anderson ne chante pas), avec en fil rouge pour lier le tout des méditations, parfois rêveuses, sur l'ouragan Sandy qui a frappé New York en 2012. L'ensemble se voudrait constituer une sorte d'élégie, un long chant (plus d'une heure) à la fois funèbre et cosmique sur cette catastrophe naturelle, et le sentiment de désolation qui a submergé ceux qui l'ont vécu.

Le tragique et l'émotion ont du mal à pointer le bout de leur nez. On se sent comme l'observateur impuissant qui doit se contenter de regarder l'eau monter, sans rien pouvoir faire d'autre. Il ne se passe pas grand-chose dans ces compositions assez étales, sans vraiment de thèmes mélodiques marquants (sauf "The water rises" au tout début). Concernant Laurie Anderson, on ne s'intéresse pas vraiment à ce qu'elle raconte, elle pose sa voix sur l'accompagnement de première classe du Kronos, qui se confronte timidement à quelques beats électroniques à partir de "The dark side". "Landfall" est peut-être un bon disque de Laurie Anderson, mais un très moyen du Kronos Quartet ; pour un projet qui trouve son origine dans un ouragan, il brasse au final beaucoup d'air.



LAURIE ANDERSON & KRONOS QUARTET The water rises (Clip 2018)