Bleue comme une orange

Lightwave

par Fabian Faltin le 26/06/2004

Note: 8.0    

Dans ce concept album des électriciens Christoph Harbonnier, Paul Haslinger et Christian Wittmann, beaucoup de choses vont très bien, mais pas toutes, comme son titre, en apparence plus digne d’une marque de shampooing que de la prestigieuse collection Signature de Radio France (en réalité la reprise du premier vers de "La Terre est bleue" de Paul Eluard), qui ne correspond en rien ou presque rien au contenu musical.

Ces musiques très subtiles sont à situer dans un genre déjà bien rodé (hélas !), un fond électronique très étudié, très produit - et par conséquent très aléatoire - avec selon l’occasion une superposition retenue de flûte traversière, de clarinette basse, de violon ou de trompette.

Lentes, sirupeuses et super-spatiales (et à mon goût un peu vides), elles ne pourraient être plus que ce qui serait une orange bleue : pop, gaie, et, d’une manière plutôt trop évidente, paradoxale. Au moins, l’entreprise aurait mérité un petit essai de pochette en guise de justification – après tout, la musique se prête-t-elle vraiment au paradoxe ? Une musique-paradoxe, ça sonnerait comment ? Ou est-ce que ça ne sonnerait pas du tout, la musique étant, dans sa manière à elle, au-delà de telles contraintes logiques ?

"Bleu comme une orange" en est d’ailleurs un exemple excellent. Avec beaucoup de fluidité et finesse, nous sommes ici emportés au-dessus de tout obstacle éventuel, soit-il d’ordre matériel ou immatériel. Des pulsations astrales, un jeu de cordes non loin de celui de Denis Frajerman, très réduit et pourtant très vivace, un va-et-vient convulsif d'instruments à vent, le tout garni d’occasionnels cris de mouettes, de bruitages sci-fi et de petites conversations entre méduses (interrompues, bien entendu, par des bulles d’air)…

Tout ça est très suggestif, riche en gestes et allusions, et fait de "Bleu comme une orange" une sorte de "Blade runner" pour le nouveau siècle, un chef d’œuvre mystique, avec pourtant beaucoup moins de mélancolie que ce dernier – effet dû, sans doute, au fameux pouvoirs tonifiants de l’orange.