Limousine

Limousine

par Sophie Chambon le 20/04/2006

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Lila
Autre chose


En ce sombre dimanche, elle est particulièrement poisseuse la solitude du chroniqueur de fond. Regardant la pile vacillante des albums en attente, il choisit d'attaquer une pochette de circonstance, entre rock post moderne glauque et blues urbain chic, ce sera Limousine. Il a confiance dans le label Chief Inspector qui scrute à la loupe les groupes à signer.

Justement il s'agit d'un trio prometteur, celui de Laurent Bardainne, Maxime Delpierre et David Aknin : une instrumentation jazz qui flirte dangereusement avec l'esthétique des marges, revendiquant une inspiration légèrement désabusée, distillant la mélancolie de ceux qui ne réussissent pas exactement leur vie. Les cinq premiers thèmes filent, glissent même sans le moindre problème dans le lecteur de Cd, du geste feutré de Forest Whitaker dans "Ghost dog". D'ailleurs ne conduisait-il pas, ce samouraï moderne, une longue limo noire ?

Pourtant, après un début de parcours sans faute, on est heurté par certaines dissonances, lors de ces "Noces" qui paraissent soudain bien mièvres, easy listening même, ou bien est-ce pour épouser la thématique du titre ? On passe sur ce premier accroc, bien qu'en y réfléchissant le deuxième titre "Patinage pour Jason" semble étrangement kitsch lui aussi. Cela continue, ce n'est que le début d'accord… et cette fois c'est une "Valse" lente, enfin tristement entraînante. On aura compris que la tonalité de cet album nocturne est en mineur. Rien à voir avec les films noirs, durs et incisifs d'un Melville. D'ailleurs dans la présentation, les musiciens avouent avoir trouvé leur inspiration dans les musiques des films de Jarmusch ou Wenders. Ce qui les rendrait plutôt sympathiques à nos oreilles. L'affaire est entendue, voici de la musique pour un road movie imaginaire, taillé sur mesure à coups d'accords friselliens sur "l'asphalt jungle", lardés de riffs à la Neil Young égrenant sa complainte dans la prairie perdue, l'ouest désespérément vaste. On se relâche, on soupire d'aise : la musique de "Dead man" dans une veine plus que minimaliste, est assurément la meilleure thérapie, quand les héros sont fatigués.

Les guitares semblent omniprésentes, soutenues par des percussions intelligemment menées, un délicat glockenspiel ; le saxophone plus discret chante aussi sa plainte, couleur de blues : et dans ce "faux" trio, les nappes de claviers s'étirent ouatées et floconneuses dans un de nos morceaux préférés "Autre chose". A moins que ce ne soit dans le formidable "Lila" que l'on aimerait ne jamais voir finir. La cohésion entre les trois membres du trio est grande, l'album calibré est d'une juste longueur, à la fois conceptuel et hommage à la force du blues qui unifie tout. "Dors", singulière berceuse plutôt tonique, arriverait presque à nous sortir de cette douce torpeur qui nous envahissait.

"Limousine" continue son travail et après le dernier thème, une reprise de "Valse" à la guitare qui laisse indifférent, s'élève un écho fantômatique pour la route, la véritable fin du disque, des échos à la NeilYoung, toujours "on the wire" ! Finalement tout rentre dans l'ordre, merci d'avoir rappelé la nostalgie : "Rock ‘n roll will never die !"