L'Espagne des années
soixante se résumait aux premières usines à bronzer de la Costa
Brava, où des millions de touristes pas regardant sur la conscience
politique nourrissaient de devises une dictature militaire et catho.
Un pays sous chape de plomb, à la culture muette ou en exil en
France (à l'exception d'écrivains ou cinéastes iconoclastes,
Arrabal, Bunuel..), aux femmes voilées de noir...
Divine
surprise de voir donc débouler en 1966 un groupe de rock espagnol,
Los Bravos, qui chantaient cependant en anglais et enregistraient à
Londres sous la direction de Ivor Raymonde (arrangeur de Scott
Walker, Dusty Springfield, Richard Anthony).
Leur premier
Ep coup d'essai fut un coup de maître : quatre titres de soft
rock rhythm and blues, diablement carré et joyeux, aux
arrangements subtils et aux cuivres percutants. "Black is black",
un titre de la face B, le moins complexe des quatre, mais à l'intro
imparable en escaliers - basse/batterie, guitare, orgue, cuivres
et enfin la voix, haut perchée, presque en rupture - va exploser et
propulser Los Bravos au sommet des charts mondiaux, atteignant le top
5 aux Usa, en Grande-Bretagne, au Canada et dans l'Europe entière. Enfin pas tout à fait entière. En France, Los Bravos et "Black is black" seront squeezés, même si le Ep sort - pour la forme - chez Barclay. Le prédateur en chef des succès chantés en anglais, Johnny Hallyday, s'étant bien entendu emparé du morceau pour truster les radios avec "Noir c'est noir", sa version hexagonale (chantée depuis des milliers de fois sans jamais citer une seule fois ses créateurs).
Los Bravos ne se résumaient pas qu'à un seul titre. Entre 66 et 69, ils publieront six albums et une trentaine de singles. Ils rivalisaient sans rougir
avec les Young Rascals, Billy Joe Royal, Manfred Mann ou les...
Easybeats, dont les mentors Harry Vanda et George Young avaient spécialement écrit pour eux "Bring a little lovin'" en 1968
(à voir ci-dessous) avant que les Easybeats ne l'enregistrent à
leur tour l'année suivante.
Excellente réédition exhaustive
de RPM (60 titres et livret conséquent).