| | | par Sophie Chambon le 03/05/2002
| | |
| Avec "Dans la nuit", nous revenons aux premiers temps du cinéma, à la poésie des images en noir et blanc soulignée par un accompagnement musical en direct. Louis Sclavis a toujours aimé, depuis ses débuts, travailler à des musiques pour la scène et l'image. Aussi, à l'invitation de Bertrand Tavernier il a composé la musique d'accompagnement du film muet de Charles Vanel "Dans la nuit" tourné en 1929. Il retrouve deux de ses complices de l'affrontement des Prétendants : François Merville, qui joue pour l'occasion des marimbas, et le violoncelliste Vincent Courtois, compagnon fidèle discret et efficace, Dominique Pifarély, violoniste de l'inoubliable Acoustic Quartet, et enfin Jean Louis Matinier avec lequel il travaillait déjà sur l'avant-dernier film de Bertrand Tavernier "Ca commence aujourd'hui". Ainsi se crée un nouveau quintette, centré sur une sonorité nouvelle, celle de l'accordéon, pour restituer l'ambiance de l'époque. Ainsi "Dans la nuit", valse musette qui pourrait bien devenir ritournelle puisqu'elle nous entraîne dans ce folklore revisité par l'imaginaire de Louis Sclavis. A moins que ce ne soit dans les autres leitmotifs "Dia dia". Le film, l'un des derniers muets français, injustement oublié, restauré par la Cinémathèque Française, présenté par Arte et l'Institut Lumière fut tourné près de Lyon, dans la région d'origine du père de Charles Vanel et de
Louis Sclavis. Sans connaître l'histoire, qui traite d'amour, de trahison, d'accident, d'une vengeance à deux visages, sur fond de mine, avec pour seule indication les titres, la musique évoque l'atmosphère particulièrement tendue de certaines scènes ("Le travail"). "Le retour de noce", dominé par l'inquiétante clarinette soulignée par le violoncelle volontairement sombre, annonce drame et violence. Composer une musique de film, muet de surcroît, c'est se soumettre à certaines exigences. Car s'il faut tenir compte absolument de l'époque, d'une certaine esthétique cinématographique, qui hésite ici, comme le dit Sclavis, entre Murnau et Renoir, le piège est de tomber dans la reconstitution expressionniste ou trop réaliste, de réduire la musique à un exercice de style même brillant. Arriver à ce que, selon la perception du film propre à chaque musicien, leur travail s'inspire et se détache à la fois de la forme seule. Difficile de rester dans l'action mais de ne pas en être aussi prisonnier, de laisser l'image respirer librement, de jeter des ponts entre le temps du film et aujourd'hui. Et le travail de cette "belle équipe" est en tout point séduisant, car on en arrive à oublier la fonction première de cette musique, à se laisser prendre par la suite très actuelle de ces pièces souples, courtes souvent, jamais en rupture, plutôt en contrepoint. Et c'est ainsi que l'on finit par imaginer son propre film, né de cette émotion, de la pulsation souveraine, qui devient danse et chant. |
|
|