Shade of jade

Marc Johnson

par Sophie Chambon le 13/11/2005

Note: 8.0    

C'est un album conduit par le contrebassiste Marc Johnson dont on sait qu'il fut le dernier accompagnateur de Bill Evans. Le titre "Shade of jade" rend d'ailleurs un hommage en demi-teinte à Scott La Faro, contrebassiste du trio mythique du pianiste. Disparu prématurément en 1961, son "Jade visions" avait également inspiré Stephan Oliva dans l'album éponyme avec François Merville et Bruno Chevillon paru chez Owl.

S'il n'a pas vraiment l'étoffe d'un leader (peu de disques à son nom chez ECM), ce sideman de rêve connaît son affaire et il sait s'entourer de beau monde. Le line-up de l'album laisse rêveur : John Scofield, Joe Lovano, Eliane Elias, Joey Baron. Seul outsider du groupe Alain Mallet à l'orgue qui réussit dans "Raise" à se faire entendre. Pas facile en effet : si les solos du contrebassiste sont rares comme dans le sensible "Snow", "All yours" ou le plus consistant "Since you asked", la pianiste Eliane Elias (qui a composé la moitié des titres) et le ténor Joe Lovano se partagent la vedette dans une suite de ballades comme le nostalgique "Apareceu" ou "In thirty years". La pianiste et le ténor sont en effet omniprésents et on ne saurait le regretter. Si John Scofield intervient à son tour par des riffs enlevés sur "Blue Nefertiti", il faut tout de même être attentif à ses interventions plus nuancées, comme dans "Ton sur ton".

Un album racé, infiniment plus contrasté qu'on ne pourrait le croire à la première écoute, habile combinaison de timbres, alliage nuancé de substances et de couleurs. Une musique élégante et fluide qui est conforme à une certaine idée du jazz. Aucune ambiguité dans ces compositions originales qui répondent à un répertoire classique, dans la lignée des grandes formations d'antan. Une profonde musicalité et une évidence lumineuse en contrepoint d'une pochette emblématique du label, toujours sombrement atmosphérique.