Counterfeit 2

Martin L. Gore

par Filipe Francisco Carreira le 28/01/2004

Note: 6.0    
Morceaux qui Tuent
In my other world


Leader de Depeche Mode depuis le départ de Vince Clarke fin 1981, Martin Gore a depuis écrit et composé toutes les chansons du groupe, de tubes irrésistibles en classiques éternels, de "Shake the disease" à "Enjoy the silence", endossant la responsabilité de quelques-uns des albums les plus influents des vingt dernières années, "Violator" et "Black celebration" en tête.

Est-ce la faute à un premier tube superficiel et sautillant - "Just can't get enough" - ou à un authentique look d'apprentis coiffeurs, toujours est-il que Depeche Mode fût longtemps et injustement méprisé, Martin Gore sous-estimé. "Counterfeit 2" n'a pas pour autant l'ambition de prouver la qualité du songwriter. A l'instar de son prédécesseur, le "Counterfeit Ep" sorti quatorze ans plus tôt, ce disque ne comporte que des reprises : John Lennon, Nick Cave et le Velvet Underground se bousculent au chevet de l'homme blond au regard d'adolescent tourmenté.

Si les versions proposées correspondent à priori à l'univers de son interprète, ce dernier semble toutefois hésiter entre une modestie légendaire - "Counterfeit" signifie "contrefaçon" - qui rendait son premier essai solo si touchant et des arrangements plus consistants enrobés dans un format plus conséquent - onze titres contre six en 1989. Malheureusement, sa voix peine à s'imposer sur "Das lied vom eisamen Mädchen" et plus encore sur "Loverman" de Nick Cave, écrasée par une électronique entre l'enclume et le rouleau compresseur. On comprend mieux pourquoi Martin Gore ne chante que les morceaux lents et introspectifs au sein de Depeche Mode : c'est incontestablement le registre qui lui réussit le plus. Il emprunte "In my other world" à Julee Cruise, interprète égérie de Lynch période "Twin peaks", et en livre une version vénéneuse et glacée, oppressante comme une forêt plongée dans l'obscurité. Son goût est sûr et sa démarche souvent originale : "Lost in the stars" de Kurt Weil le voit s'essayer à un classicisme irrésistiblement désuet et plein de charme. Mais si le délicat "By this river" et le feutré "Candy says" offrent un écrin idéal à la mélancolie de Gore, celle-ci étouffe dans les textures certes audacieuses mais inexpressives de "In my time of dying" et "I cast a lonesome shadow", lourdement symptomatiques.

"Counterfeit 2" possède une dimension expérimentale qui intéressera sûrement les amateurs d'innovations sonores mais il n'est pas interdit de penser que le premier "Counterfeit", plus concis, était aussi plus proche de l'essentiel et avait peut-être quelque chose en plus. Quelque chose de fragile et d'attachant qui servait davantage cette voix-là.