Chill-aum

Masaladosa

par Francois Branchon le 28/10/2006

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Shakti
Ganpati
Madhuvanti
Biryani
Amma


Thonon les Bains (Haute-Savoie), ses curistes, son lac Léman, ses effluves de francs suisses par vent du nord... et son Masaladosa. Le Masaladosa se mange - "plat indien aux multiples épices" - le Masaladosa haut-savoyard se déguste.

Pierre-Jean Duffour, un amoureux de musique indienne qui partage sa vie entre les deux pays, séjournant souvent à Bénares où il a appris le sitar avec le maître Tarak Nath Mishrah (lignée ancestrale de musiciens classiques), fonde Masaladosa en 2002, avec l'idée de mixer harmonies traditionnelles et rythmiques électro occidentales. Une idée loin d'être neuve, l'armada des Indiens de Londres a largement défriché le terrain (chef de meute Talvin Singh, les groupes de la compilation "Anokha", etc...), et en France même, des groupes sont de cette aventure (Mukta). Mais Masaladosa a son style...

Impeccablement réalisé et mixé à Londres par Streaky (Asian Dub Foundation, Tribe Called Quest…), leur premier album "Chill-aum" (ils ont osé !) place le sitar au centre de son paysage, l'enrobe d'un électro-dub feutré et doux, le rythme de petites percussions et petits raggas, le laisse survoler parfois d'incantations et de sons de rues (un chef de gare aux accents - involontaires ? - de Peter Sellers -"Shiva Express")...
On pense parfois à une sorte de Bim Sherman en négatif : quand Talvin Singh emballait en 1996 le reggae ultra-cool du vieux jamaïcain d'arrangements indiens, Masaladosa saupoudre parfois de rythmiques reggae ses planantes incantations ("Madhuvanti")

Mais c'est sur le terrain de l'affectif que Masaladosa emporte le morceau et impose "Chill-aum" comme un compagnon fidèle. Les harmonies de musique indienne sont en général complexes, pas faciles à suivre et à démêler par l'esprit, l'état méditatif fournissant souvent un chemin plus sûr, une sorte d'appréhension par le corps.
Masaladosa a certes simplifié les choses, et "Chill-aum" est léger, dansant et épanoui. Mais derrière cette sérénité candide, loin de n'avoir gardé que les sonorités et "l'enveloppe" (ce qui ne serait que "joli"), Pierre-Jean Duffour réussit à transmettre l'essence méditative qui rend la musique de l'Inde aussi unique. Ce garçon a une âme et sait la laisser deviner... "Chill-aum" s'adresse aux sens mais aussi au cœur et à l'esprit, en ce sens, il est déjà un peu "au-delà" de la musique. Comme ses maîtres indiens...