Oracular spectacular

MGMT

par Jérôme Florio le 18/05/2008

Note: 8.0    

L'offensive MGMT est lancée. Fort d'un contrat à six chiffres, Sony mise pas mal sur le dos du jeune groupe – l'essai est en passe d'être transformé haut la main, avec pour véhicule difficilement attaquable un disque qui tient la route.

MGMT joue sur tous les tableaux, grâce à une identité et un message cohérents, soigneusement pensés en amont du disque. MGMT pour "ManaGeMenT" : Andrew Vanwyngarden et Ben Goldwasser jonglent entre une fausse imagerie baba-cool (ils raflent la mise posée sur le tapis par Devendra Banhart) et un discours fortement désabusé (pour ne pas dire cynique). "Oracular spectacular" : une dose de mysticisme pour papier glacé, une dose de paillettes. MGMT est un univers qu'il est possible de vendre en bloc, un "package" (plus accessible qu'Animal Collective, par exemple) : sur disque, un mix extatique d'éléments opposés, une synthèse parfaite de l'air du temps.

L'enregistrement de "Oracular spectacular" a été confié à Dave Fridmann, producteur prisé qui s'est déjà occupé de jeunes pousses indie-rock (Clap Your Hands Say Yeah!). On le suppose en partie responsable de l'enrobage costaud psyché/sucré/eighties (on aimerait bien comparer avec des démos), très élaboré pour un premier disque. Ca et là, des gimmicks de claviers annoncent les tubes : "Kids", le disco "Electric feel", avec le falsetto de Vanwyngarden qui marche sur les plate-bandes des Scissor Sisters. "Time to pretend" résume en quelques lignes ce qu'on appelle "rock" aujourd'hui : les MGMT y alignent tous les clichés (cocaïne, limousines, top-models), tout en pleurant leur maman et leur enfance. Le portrait d'une jeunesse à la fois capitaliste, hédoniste, et mélancolique qui va consciemment dans le mur. "4th dimensional transition", morceau enfumé et psychédélique, parvient à donner un second souffle à l'album sans tomber comme un cheveu sur la soupe. On pense à plusieurs reprises au David Bowie de "Space oddity". "Pieces of what", avec ses guitares sixties cristallines, aurait pu être chantée par Mick Jagger. Les harmonies vocales du final "Of moons, birds & monsters" sont colorées soft-rock seventies.

On se demande dans quelle mesure "Oracular spectacular" est un "disque de producteur" roublard. Pour l'instant, il balaye un large spectre pop sans provoquer de lassitude, et le savoir-faire pyrotechnique parvient à nous faire oublier qu'il ne nous touche pas vraiment.


MGMT Time to pretend (David Letterman Show 2008)