Wide angles

Michael Brecker

par Sophie Chambon le 16/01/2004

Note: 9.0    

C’est un saxophoniste en état de grâce qui se révèle (et se réveille) dans cette vision grand angle d’un big band sans véritable stars mais composé pourtant de musiciens authentiques : citons déjà Mark Feldman, Erik Friedlander, John Patitucci, Robin Eubanks…

Ce nouvel opus d’un Brecker quinquagénaire en pleine forme nous rappelle qu’avec certains grands, il est nécessaire d’être prudent dans nos jugements. Quelle versatilité (au sens anglais évidemment) dans cette carrière déjà longue : Michael Brecker débuta dans "Zappa New York" avec son frère en 1977 avant de devenir le chantre d’un jazz funk et fusionnel, puis de réussir une carrière solo souvent conventionnelle, bourgeoise, très chic même comme dans son dernier "Nearness of you", toujours chez Verve, où il semblait s’abandonner à des ballades entre tendresse et résignation. Il se reprend pour cet album qui fera date : ayant convoqué une équipe triée sur le volet, à sa mesure, entouré de ce "quindectet" (comment traduire en français "all 15" ?) il retrouve vigueur et enthousiasme pour se lancer dans un programme incisif, percutant et brillant dont il est l’heureux concepteur, puisque compositeur et bien entendu soliste. La diversité des couleurs, le mélange des timbres (larges touches cuivrées, valeurs plus douces des sonorités de la flûte, de la clarinette et du hautbois, rondeur des cordes), l’alternance de passages d’un jazz chambré plus intimiste ("Evening faces") à des envolées plus funk "night jessamine", donnent un éclat sans cesse renouvelé à ces pièces, rehaussées aussi par certains échanges du saxophoniste ténor avec ses complices ("Cool day in hell", "Scylla").

Toutes les compositions prennent dès lors un relief particulier, actuel et engagé. Quelle brextérité ! C’est ainsi que désormais on pourra qualifier cette incandescence, du titre d’une de ses pièces, mot-valise plutôt bien trouvé...