Any mother doesn't grumble

Mick Softley

par Jérôme Florio le 27/12/2016

Note: 7.5    
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En 1972, Mick Softley s'apprête à quitter une fois de plus l'industrie musicale après une salve de trois disques, conclue par ce "Any mother doesn't grumble".

Né à South Woodford (Angleterre) en 1941, ce n'est pas à la vague rock'n roll que Mick doit ses premiers émois musicaux : ses goûts le portent davantage vers la littérature et le jazz. Au cours d'un voyage à moto à travers l'Europe entrepris en 1959, il se perfectionne à la guitare en côtoyant des musiciens anglo-saxons expatriés à Paris ; à son retour en Angleterre , il est raccord avec la vague revival folk (Davy Graham, Martin Carthy…) et se produit dans un pub de la ville de St Albans ("The Cock") qui fait partie d'un circuit informel de clubs drainant musiciens et beatnicks. Il y fait la rencontre de Donovan (Leitch), alors adolescent et son cadet de cinq ans, et l'aide à améliorer sa technique de guitare en finger picking. En 1965, le succès venant, Donovan lui renvoie élégamment l'ascenseur et le porte à l'attention de cadres de l'industrie du disque, permettant ainsi à Mick d'enregistrer un premier single pour le label Immediate en 1965 ("I'm so confused") puis un disque folk et dépouillé "Songs for swinging survivors" qui ne se vend que modestement.

Peu enclin à persister, Mick Softley continue pendant les quatre années suivantes à pratiquer la musique en amateur dans de petits clubs, entre petits boulots et vie de famille. Une tentative de groupe électrique, Soft Cloud, tourne court.

C'est à nouveau Donovan qui le convainc de retourner en studio. Cette fois, entouré de musiciens de talent et du producteur Tony Cox (de Caravan à… Françoise Hardy), Mick Softley se sent dans de bonnes conditions, qui lui laissent plus de liberté pour créer ce que bon lui semble. "Sunrise" paraît en 1970, "Street singer" en 1971 et finalement "Any mother doesn't grumble" (1972).
On sait dès "The song that i sing" que l'on est dans un style hybride, qui s'affranchit très vite des canons folk traditionnels. La chanson commence classiquement guitare-voix, avant de s'emballer dans une gigue électrique instrumentale claudicante dans laquelle la guitare et le saxophone en liberté se montent réciproquement le bourrichon. Les parties de cuivres et de flûtes semblent parfois écrites, parfois improvisées. Le disque trouve naturellement sa place aux côtés des premiers Van Morrison, avec un côté singer-songwriter qui peut par exemple le rapprocher de Cat Stevens, avec une voix parfois nasale mais le plus souvent profonde et naturelle. Toutefois, "Any mother doesn't grumble" témoigne d'une individualité qui ne rentre dans aucune case. Entre les chansons acoustiques sensibles jouées en picking ("Sing while you can"), marquées par le folklore traditionnel ("The minstrel song" que Sandy Denny - Fairport Convention - aurait pu chanter) s'immiscent des chansons inquiètes ("From the land of the crab", "Have you ever really seen the stars"), qui laissent poindre une sorte d'angoisse existentielle. On pense alors à Bill Fay, un autre solitaire. "I'm so confused", le premier single de 1965, est réarrangé et sans doute plus proche des intentions initiales de Mick.

Ne faisant pas les compromis nécessaires pour construire sa carrière, Mick Softley s'éclipse à nouveau du circuit commercial. Il s'y essaiera encore pour deux autres disques dans la deuxième moitié des années 70, dont personne ne semble avoir remarqué l'existence. Aujourd'hui Mick vit en Irlande, à Enniskilen. On redécouvre un travail sincère, à la fois porté par l'air du temps et farouchement indépendant.




MICK SOFTLEY I'm so confused (Audio 1972)



MICK SOFTLEY From the land of the crab (Audio 1972)