Takkabel!

Mohammed Jimmy Mohammed

par Jeremy Bluteau le 02/02/2007

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Aykedashem lebe
Lantchi biye / Selamlantchi


La musique du chanteur Mohammed "Jimmy" Mohammed est un swing arabe qui touche et interpelle sans même qu'on s'en rende compte. Ce son, rappelant une Fender emplissant l'air de disto, accompagnée de percussions enivrantes, semble tout droit sorti d'un vieux récepteur Fm posé sur un trottoir d'Addis Abeda (la capitale de l'Éthiopie, dont Mohammed est originaire), on s'y croirait ! Une ambiance qui pousse tout doucement à frapper du pied... puis à irrésistiblement danser !

Mohammed "Jimmy" Mohammed, chante depuis bien longtemps, presque exclusivement les chansons de son idole de toujours (et plus grand artiste éthiopien) Tlahoun Gessesse. Notamment repéré par le batteur hollandais Han Bennink lors de tournées en Afrique, Mohammed a été invité à se produire en Europe : en France en 2002 (aux "Nuits Azmari" de Francis Falceto) et lors de l'édition 2005 du Moers festival en Allemagne, festival réputé pour ses échanges avec l'Afrique, où Bennink lui proposa de venir se produire avec ses amis musiciens éthiopiens et d'enregistrer cet album.

Un style changeant et rempli d'improvisations, un lieu de rencontre du Krar (guitare à 5 cordes jouée pas Mesele Asmamaw), une sonorité à la fois traditionnelle et "disto" qui surprend dès le premier morceau "Aykedashem lebe", des percussions traditionnelles (frappées par Asnake Gebreyes) qui sentent bon le rythme simple de la terre d'Afrique et des vibrations vocales qui reflètent le coté profond, chargé d'émotions de cet homme, aveugle et fascinant. Sa voix invite à l'écoute, autant par son coté passionnel que par sa fragilité. Sur "Sethed seketelat", on y retrouve toute la puissance de ses notes frêles mises en avant par de subtils vibratos de Krar. Mais tout l'album reste aussi délicieux qu'un moka éthiopien, pimenté avec brio de petites touches passionnées d'une magnifique ligne de batterie de Han Bennink ou de notes vibrantes de saxophone jazzy de Getatchew Mekuria (qui font trembler sur "Mela mela"). Véritable mélange entre tradition et passion, la musique de Mohammed "Jimmy" Mohammed est vraiment un virus contagieux de la bougeotte, une invitation à swinguer de l'intérieur.


"Takkabel!" assure le voyage, sans pour autant tomber dans la reprise folklorique pour touriste en mal de paysages. Tous ses morceaux, longs (pas un seul sous les six minutes) sont à l'image de ce personnage généreux, complexe et vrai - malheureusement décédé il y a quelques mois - et de cette culture d'Afrique qui mérite à se faire connaître...