Let go

Nada Surf

par Vincent Théval le 30/09/2002

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Blizzard of '77
Blonde on blonde
Hi-speed soul
Happy kid
Treading water


La perfection engendre souvent l'ennui, convenons-en. Il faut parfois de brillantes exceptions pour nous le rappeler. Ainsi, on sera bien en peine de trouver un seul défaut à "Let go", troisième album du trio new yorkais Nada Surf. Témoignage d'un groupe au sommet de son art, ce grand disque prolonge l'émotion et la beauté de "The proximity effect", méchamment torpillé voilà quatre ans par Elektra, qui n'a pas su voir la forêt de merveilles derrière le gros arbre "Popular". Ici, tout est plus ou mieux : plus fin, mieux écrit, mieux produit, plus touchant, mieux chanté, mieux joué. Ce songwriting subtil et fort repose sur une section rythmique en béton et notamment un batteur de génie, à l'aise dans tous les registres, capable de faire claquer ses fûts sur un rythme martial sur l'impressionnant "Fruit fly", d'installer une ambiance chaloupée en deux coup de cuiller à pot ("Paper boats") ou de faire se déchaîner les 'dancefloors' ("Hi-speed soul", extraordinaire tube en puissance à faire rougir de honte New Order). Claire et engageante, la guitare tisse des ambiances tantôt énervées tantôt apaisées et mélancoliques. Et toujours la voix bouleversante de Matthew Caws, tessiture souple qui légitime toutes les audaces mélodiques d'une écriture généreuse, d'un classicisme pop exemplaire. Les textes, d'ordinaire cruel talon d'Achille de la pop américaine, sont l'un des atouts majeurs du groupe, depuis ses débuts fracassants avec le sarcastique "Popular", entre observation curieuse et distanciée de ses contemporains, comme une forme de résistance élégante, et une grande vulnérabilité ("I've got no time I wanna lose / To people with something to prove / What can you do but let them talk / And make your way down to the block " sur le futur classique "Blonde on blonde"). Nada Surf s'est également fait une spécialité de jouer au yo-yo avec ses chansons, qui oscillent entre ballades somptueuses ("Inside of love") et bombes pop imparables ("No quick fix", "Happy kid"). "Blizzard of '77", la pépite acoustique qui ouvre l'album est la plus belle chose entendue en 2002. La pochette est magnifique. Nada Surf sur scène dégage une énergie et une émotion galvanisantes. Ce disque aura des effets bénéfiques sur votre capital santé, vous portera chance et fera revenir vers vous l'être aimé. Et si ça se trouve ils sentent bon. Est-ce assez ou faut-il vous faire un dessin ?