Live aux Eurocké

Nada Surf

par Jérôme Florio le 11/05/2004

Note: 8.0    

Autant le préciser tout de suite : j'aime beaucoup Nada Surf, mais pas depuis longtemps. On avait découvert le trio au milieu des années 90 par l'entremise du tube "Popular" (produit par Ric Ocasek des Cars, et joué ici sans complexe) – Matthew Caws, Daniel Lorca et Ira Elliot avaient l'air un peu gommeux, des étudiants trop parfaits. Puis on avait senti le vent tourner avec "The proximity effect" (1998) et la superbe "80 windows". Depuis, ils ont sorti "Let go" (2002), un classique instantané dont les titres fournissent l'armature de ce live aux Eurockéennes de Belfort en juillet 2003. L'"effet de proximité" : depuis que leur power-pop a pris du plomb dans l'aile, on se sent enfin en phase avec ces trois gars qu'on adorerait avoir pour copains. "It's getting late / I don't care / My friends all left / Let's go anywhere" : Matthew Caws sait écrire des phrases qui captent les états d'âme post-ado avec bien plus de sensibilité que les conneries téléréelles.

Un autre trio sort un Dvd live actuellement : on y voit toute le cirque rock de Placebo, les poses et la pénombre si seyante - on leur souhaite de se sortir vite et sans casse de cette passe difficile. A l'inverse, Nada Surf joue ici en pleine après-midi, vêtus à la scène comme à la ville : juste d'excellentes chansons, portées par le chant jamais pris en défaut de Matthew Caws, duveteux et affirmé à la fois. Dodelinant sur place, sous son casque blond, il a parfois l'air naïf d'un Beatle période bleue. Daniel, Ira et Matthew ne sont pas des bêtes de scène mais ils dégagent une énergie très positive : cela fait plaisir de voir un groupe qui joue vraiment ensemble, en se regardant, entretenant une complicité qui déborde du cadre de la scène.

L'an passé, Radiohead titrait leur disque "Hail to the thief", un message codé anti-Bush : les Nada Surf sont engagés au quotidien, avec naturel, ce que l'on peut constater sur leur site. Matthew Caws était récemment parmi le million de manifestants à Washington DC pour défendre le droit à l'avortement. A deux reprises pendant le concert, il s'exprime (dans un français impeccable) clairement contre George Bush, et adresse un soutien ferme aux intermittents du spectacle dont le mouvement battait son plein l'été dernier, de l'air de celui qui connaît la place assignée à la culture dans son pays.

A la fin du concert, le groupe mettra définitivement le public français dans sa poche en reprenant généreusement et approximativement (les pains du batteur !) "L'aventurier" d'Indochine – peut-être le morceau qui cartonnait à l'époque où ils faisaient leurs études en France. Aucun second degré (cette maladie contemporaine), un bon moment d'éclate, l'arrivée de Bob Morane étant saluée par un intelligent changement de tonalité. Pour faire plus sérieux, les Nada Surf reprennent "Love will tear us apart" de Joy Division au beau milieu de "Stalemate", le meilleur titre du concert. "Happy kid" est une souriante poussée d'acné juvénile, "Hi-speed soul", "The way you wear your head", "Blonde on blonde" (clin d'œil à Bob Dylan) font irrésistiblement taper du pied, très happy mais un peu sad aussi. Même l'assez insignifiante "Là pour ça" échappe au ratage, chantée avec conviction par Daniel. Au passif de ce Dvd, on mettra cependant l'emballage cheap et l'absence de bonus.

"The moon is closer to the sun / Than I am to anyone". On en vient à se dire que ce groupe est plus proche de nous que beaucoup d'autres.