You've come this way before

Nancy Priddy

par Jérôme Florio le 24/03/2006

Note: 9.0     
Morceaux qui Tuent
Ebony glass
You've come this way before
Mystic lady


Prononcé à l'anglaise, Priddy se rapproche de "pretty" : Stephen Stills aurait écrit "Pretty girl why" (sur "Last time around" de Buffalo Springfield) en pensant à la jolie Nancy. Qui par la suite est revenue de loin : non seulement en tant qu'actrice dans des nanars comme "Jaws of Satan" (1981) ou encore "The aliens are coming" (1980), mais surtout d'un méchant cancer du sein. Sa fille, Christina Applegate ("Mars attacks !"), poursuit aussi une carrière d'actrice. "You've come this way before" est l'unique disque solo de Nancy Priddy, paru en 1968 – pas grand-monde n'est passé par-là depuis, sauf quelques fouineurs de trésors cachés qui en traquaient les rares copies. Trop bigarré pour connaître un succès grand public, c'est un mélange brillant et décomplexé de folk-pop, de blue-eyed soul, de psychédélisme et de bidouillages électroniques. Un relevé topographique de l'ambiance bohème de melting-pot et d'effervescence créative qui régnait dans le quartier du Village à New-York, que la jeune actrice et chanteuse fréquentait alors.

La "première face" de l'époque ravit. En ouverture, "You've come this way before" fait monter la sauce par à-coups en jouant sur un accordéon tango, une guitare électrique matoise et une rythmique tenace. Le texte – comme tous les autres très différent du style pop ordinaire – décrit l'émerveillement quasi enfantin ressenti devant une sensation inconnue. D'ailleurs Priddy chante "Ebony glass" avec un enfant, un genre de fable aux arrangements de cordes ambitieux (violons, clavecins) – la Grace Slick de "White rabbit" (Jefferson Airplane) aurait pu l'interpréter. Un univers à la Lewis Carroll ? "Mystic lady" est un morceau de bravoure qui commence soft avec choeurs et arrangements sautillants et flûtés aux confins du jazz, avant de déboucher sur un mantra au rythme soul entêtant (proche de ce que faisait Laura Nyro).
Bien entourée, Nancy Priddy n'est pas la seule responsable de la réussite de son disque : Phil Ramone démontre tout son savoir-faire à la production. Actif depuis le début années 60 jusqu'à aujourd'hui, il a obtenu plusieurs "Grammy awards" (le premier en 1964 pour le classique de bossa-jazz "Getz/Gilberto") pour son travail sur des grosses cylindrées comme Paul Simon, Billy Joel, Bob Dylan ("Blood on the tracks"), Dusty Springfield, Paul McCartney ("Ram")...

La suite de l'album est un ton en-dessous : le challenge pour maintenir ce niveau de cohérence était peut-être trop relevé pour l'écriture de Priddy. Les harpes délicates de "Christina's world" séduisent, avec toujours ce chant ingénu et détaché. Une trompette cool à la Dionne Warwick / Burt Bacharach (autre client des services de Phil Ramone) se fait entendre sur "We could have it all". On relèvera aussi les quelques bizarres sons électroniques sur la plus inquiète "And Who Will You Be Then". "You've come this way before" perd en homogénéité ce qu'il gagne en variété et en expérimentations, mais s'avère au final une superbe redécouverte, souvent étonnante et enthousiasmante.