Stoa

Nik Bärtsch's Ronin

par Hugo Catherine le 21/09/2006

Note: 9.0    

Entremêlements parfaits de groove et d'aérations aériennes, "Stoa" ne contredira pas Nik Bärtsch lorsqu'il décrit les morceaux de son propre groupe comme des créations de "funk zen". Nik Bärtsch (piano), Kaspar Rast (batterie), Bjom Meyer (basse), Andi Pupato (percussions) et Stephan Haslebacher (clarinette) défendent une forme de changement dans la continuité ; loin d'une quelconque rupture-révolte, ils assument pleinement leur héritage jazz-classique, certes questionné par un goût apparemment prononcé pour les structures des musiques électroniques. "Stoa" se nourrit d'un académisme plus dévié que déviant et constitue un album posé, précis, très pur : les harmonies sont mesurées, les mesures sont chronométrées ; parfois, même, une clochette, en guise de métronome, dicte les modulations des compositions. La grande douceur des six "modules" présentés fait la part belle à un son enveloppé d'une clarté classique, quasi-précieuse, s'accommodant au mieux d'un phrasé très senti. Nik Bärtsch's Ronin, ou comment jouer léché sans fioritures.

Cette musique aux apparences bien sages invite délicatement chaque musicien à suivre sa partition à le lettre, sans excès de gloire en solo, dans une grande sérénité. Malgré l'émergence de refrains percutants, les morceaux sont capables de tourner sans cesse sur eux-mêmes, linéaires. Pourtant, les pistes du groupe dévoilent des évolutions progressives, continuellement inaperçues. Ainsi "Modul 32" tournicote autour de superpositions de phrases paires et impaires. Rondement mené, l'album de Nik Bärtsch semble parfois assez proche du travail du groupe français Kartet, Benoît Delbecq en tête, en moins free, moins fougueux.

Sans soubresauts, très retenu, "Stoa" s'écoute bien gentiment ; les différents "modules", comme autant d'études groovy, s'emboîtent sans heurts, et fonctionnent souvent selon un schéma identique mais convaincant. Nous nous délectons donc jusqu'à plus soif, peut-être même jusqu'à l'envie de passer à autre chose. Peut-on pour autant reprocher à Nik Bärtsch de si bien maîtriser l'art d'enfoncer le clou ?