On ne choisit pas impunément comme nom de groupe Odessey & Oracle,
emprunté aux Zombies, et à leur chef d'œuvre du même nom paru en 1968.
La musique du trio lyonnais fait sien l'adjectif baroque que l'on
accole parfois sur la foi d'un clavecin à de la pop plus élaborée
que l'ordinaire. Mélangeant sonorités anciennes et modernes, on est
plus proche de l'autre côté du miroir d'Alice que d'un film de
George Romero.
Fanny L'Héritier, Alice Baudoin et
Guillaume Médioni sont des as de la mélodie et du contrepoint,
délicieusement enrobés dans des sonorités liquides et
électroniques, que d'aucuns pourraient trouver trop colorés pour
être licites ; mais les arrangements sont écrits avec une précision
qui ne doit rien à la folie ni au hasard, faisant intervenir une
quinzaine de musiciens comme eux vraisemblablement de formation
classique. Odessey & Oracle creuse avec ce deuxième disque (le
premier, "Odessey & Oracle and The Casiotone Orchestra"
en 2014) un sillon encore frais : on pense à Broadcast, Joana
Newsom ou même Air, avec un petit côté France Gall acidulé dans
les voix.
Harpe, viole de gambe, cordes, claviers électroniques
et theremin dressent une tapisserie médiévale illustrée d'un riche
bestiaire, avec textes à l'avenant – rois, princesses et licornes.
Au premier abord on est tenté de classer le disque dans un genre
twee pop délibérément naïf, mais on est bien vite rattrapé
par l'humour ("J'ai vu un croco", on se croirait dans une
toile du Douanier Rousseau) et d'autres éléments beaucoup plus
contemporains, non seulement la musique (le travail sur les voix)
mais aussi des textes bien dans notre époque. "Les nouveaux
dieux" évoque ces Veaux d'Or modernes que sont le capitalisme
et la consommation, comme dans une fable morale du réalisateur
japonais Hayao Miyazaki revue et corrigée par Jean-Luc
Mélenchon..
"Speculatio" est un disque heureux
et distille un sentiment d'optimisme, même si le paradis est
artificiel et que personne n'est dupe.
ODESSEY AND ORACLE J'ai vu un croco (Audio seul)
ODESSEY AND ORACLE 2016 (Live les inRocks lab 2015)