Les saisons du silence

Olivier Depardon

par Jérôme Florio le 04/01/2015

Note: 7.5    

Après "Un soleil dans la pluie" (2012), Olivier Depardon creuse le sillon d'un rock charbonneux urbain, en tension avec une aspiration vers - ou par - la nature. Son premier geste est celui d'un peintre qui efface une première esquisse : "Un inventaire", comme celui que l'on fait avant de tout reprendre à zéro. Avant transformation ?

L'écriture est dure, austère : un motif obsédant de violons attaqués nerveusement, perturbé par des zébrures d'instruments à vent et des morsures de guitare électrique. En une sorte de résistance à cet ordre imposé, un violon tente de s'échapper en un vol affolé. Dans l'esprit de Depardon, ces saisons entretiennent-elles des relations avec celles de Vivaldi (les fameuses "Quatre saisons", autant de concertos pour violon) ?
La perte de repères, apparemment complètement consentie, est un des fils rouges qui traversent toutes les chansons ("A jamais fait", chauffée à blanc), tout comme l'intention de lâcher prise : "Laisse agir" fait sentir une hésitation, presque un dilemme entre abandon et action. Les riffs et les structures en cercles concentriques renforcent l'impression d'une fouille intérieure, parfois rageuse.
Olivier Depardon semble avoir une idée assez théorique de la sérénité : "Les synapses ovales", mate et lourde, ou encore "Impression soleil dedans" qui pourrait être le titre d'un tableau. Les textes sont imagés, colorés, alors que la musique est un camaïeu rock basique à traits épais. Depardon semble peindre son paysage intérieur. Sur "Attrape", plus atmosphérique (nappes de claviers, basse en avant, trompette), on peut trouver en filigrane une parenté avec Alain Bashung période "Fantaisie militaire" – ici en moins ludique et fantasque. Mendelson (Pascal Bouaziz) est un cousinage plus proche, dans la posture un peu raide, ce refus de la mélodie dans la voix et de la séduction facile ("De la poussière").

"Tout arrive", obstinée, voire obtuse, finit sur un cri en forme de point d'interrogation. Douleur ou délivrance ? Fatalisme ou sagesse ?  Les deux mêlés, peut-être.



OLIVIER DEPARDON Une histoire (Live TV France 2013)