Orchestral Manoeuvres in the Dark

Orchestral Manoeuvres in the Dark

par Francois Branchon le 31/12/2003

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Pretending to see the future
Julia's song
Messages
Electricity
Mystereality


1980 : sur la scène de l'ENTPE de Vaux en Velin, Andy McCluskey agite bras, jambes, se désarticule comme un pantin autour de sa basse Fender, bleue, et époumoné, lance ses mots comme on jette des bouées. Avec pour seul passé deux titres sous le nom de The ID dans la compilation de Liverpool "Street to street" (celle-là même qui révéla Echo & The Bunnymen) Orchestral Manoeuves in the Dark fête ce 1er avril 80 la sortie de son album éponyme par un premier concert français, devant un petit public possédé, dansant comme un seul fou sur une musique "nouvelle", habillée de machines mais vertébrée comme un vieux lézard rock. Qu'importe la forme (ici les sons synthétiques du clavier Paul Humphreys) pourvu qu'il y ait l'urgence de cracher sa foi !
Et de foi ma foi McCluskey ne manquait pas. Le premier album - intégralement interprété ce soir-là - ne souffre d'aucun temps mort. En 1980, il supportait tous les traitements, la fumée, les lignes, les alcools forts, l'autoroute à 180, il s'en tirait toujours haut la main, passait en boucle des nuits entières. Et comme toute bonne flèche qui visait droit aux tripes, elle atteint encore vaillament sa cible aujourd'hui.

Musique électrique - il faut la débrancher pour qu'elle s'arrête - musique basique - deux musiciens à l'équipement spartiate - musique spatiale - elle se vautre avec volupté dans les motifs répétitifs - elle donnait au passage un bon coup de pied dans le cul de la musique de danse, engluée dans les derniers remugles disco. En prenant au col la cold wave presse tempes de Joy Division et Human League, Orchestral Manoeuves in the Dark osait le groupe simple et joyeux, évident, à qui une suite de carrière erratique fera malheureusement perdre à la fois tripes et joie, et regarder les dividendes de l'électro-dance être récupérés par d'autres (New Order, Depeche Mode...).

A l'architecture identique - une basse/colonne vertébrale, quelques muscles synthétiques et la voix pour indiquer d'où soufflent les bourrasques - les morceaux s'enchaînent sans peine : l'élastique "Bunker soldiers", le suspendu "Almost", la spirale infernale de "Mystereality", l'énergie inépuisable de "Electricity", l'infini vol plané de "The Messerschmitt twins" (qui rétrospectivement annonce les albums suivants), les vocaux lancinant et l'orgue vertigineux de "Messages", la basse et le chant tous deux possédés de McCluskey sur "Julias' song", le mécanique "Red frame white light"... Après un pas dansant du tout "Dancing", ou alors en rampant, l'album se termine (enfin le vinyle se terminait) par le répétitif et transcendant "Pretending to see the future", la vis sans fin de cet album infiltré par toutes ses pores.

La réédition colle en effet à la fin six bonus, "alternate takes" dont on a pas grand chose à foutre, à part peut-être la reprise de "Waiting for my man" du Velvet Underground (parue en face B de single et connement titrée for "the" man), qui prouvera par a plus b aux derniers sceptiques, que la sève qui irrigue les débuts d'Orchestral Manoeuves in the Dark est du pur rock.

(on ne saurait que trop recommander le vinyle, pour la magnifique pochette ajourée de Peter Saville)

ORCHESTRAL MANOEUVRES in the DARK Messages (Video Clip 1980)