Woodsmoke and oranges - Jack-knife gypsy

Paul Siebel

par Jérôme Florio le 12/08/2020

Note: 8.0    
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Manque de chance ? Ou d’ambition ? Paul Siebel s’est précocement mis en retrait de l’industrie musicale, après deux disques parus en 1970 ("Woodsmoke & oranges") et 1971 ("Jack-knife gipsy"). Cela lui vaut d’être presque totalement oublié ; pourtant, il a été une cheville ouvrière de la scène folk de Greenwich village (New York) dans la première moitié des années 60. Comme par exemple Tom Rush (toujours actif à ce jour), il est resté dans l’ombre des ogres charismatiques Dave Van Ronk, Tom Paxton ou bien Fred Neil (un autre jeune retraité de la scène folk). A l’instar de Vince Martin (auteur du sublime "If the jasmine don't get you...the bay breeze will", 1968), sa carrière s’est arrêtée très tôt, après avoir satisfait à un contrat d‘enregistrement signé avec Elektra Records sous le patronage de Jac Holzman.

C’est avec un budget riquiqui, juste suffisant pour financer quelques heures de studio, que Paul Siebel et ses musiciens gravent "Woodsmoke & oranges" en 1971, avec uniquement des compositions originales de Paul. Ils tirent le maximum des contraintes pour donner vie à un disque country-blues d’une grande légèreté, qui donne l’impression que la musique coule sans effort.
Doté d'une voix nasillarde qui n'est pas sans évoquer celle de Bob Dylan, Siebel écrit des chansons folk avec des inflexions country nettement marquées (pedal steel, fiddle, et même du yodel sur l’enlevé "She made me lose my blues"). L’ensemble alterne titres mid-tempo et rythmes plus alertes, tous bien servis par un chant toujours tendu. Les arrangements sont variés, passant avec bonheur de la formation en groupe complet à des titres en picking ("My town", "Long afternoons"), ou à la 12 cordes et harmonica ("Then came the children"). 
Quelques chansons seront reprises par d’autres artistes, avec un certain succès ("Louise" par Linda Ronstadt, Bonnie Raitt ou Willy DeVille...).

Délicat et un peu suranné, joué avec enthousiasme et conviction, "Woodsmoke & oranges" est un très bon disque.

Le deuxième LP "Jack_knife gipsy" (1971) poursuit une veine stylistique similaire, variée avec les pieds ancrés dans les traditions. Le son a cependant un peu moins de personnalité dans l’ensemble, qui reste néanmoins de très bonne tenue. Paul Siebel est en verve ("Jasper & the miners", histoire de meurtre et de trahison comme "Pancho & Lefty" de Townes Van Zandt, 1972). La chanson-titre reprend un motif mélodique similaire au riff de "Let’s spend the night together" des Rolling Stones (1967). Du côté moins conventionnel, des sitars font imperceptiblement onduler "Prayer song", une guimbarde colore "Jeremiah’s song" d’une ambiance country & western. 

Pour finir, "Chips are down" laisse sortir un peu de noirceur grimaçante, qui écorne l’aspect parfois lisse de la musique de Paul Siebel. Ces deux disques solides méritent de valoir à leur auteur toujours vivant davantage qu’une note de bas de page dans le grand livre de la folk music américaine.



PAUL SIEBEL She made me lose my blues (Audio seul, 1970)


PAUL SIEBEL My town (Audio seul 1970)



PAUL SIEBEL Prayer song (Audio seul 1971)


PAUL SIEBEL Chips are down (Audio seul 1971)