Cruel intentions

Phil Brown

par Francois Branchon le 30/10/2004

Note: 8.0    

Phil Brown, un nom qui ne parlera qu'aux examinateurs de notes de pochettes. Musicien de session des années 80, l'homme est embauché par Warner comme auteur compositeur maison (à la manière des scénaristes pour le cinéma), pour les artistes "mainstream" du catalogue (Cher, Bonnie Tyler, Pat Benatar ou Tower of Power). A l'occasion guitariste de studio même pas crédité (Little Feat), Phil Brown connaît deux expériences de groupes : deuxième guitariste en 1979 derrière Neil Schon (avec John McVie à la basse et Andy Newmark à la batterie) pour l'album du chanteur Robert Fleischman, deuxième guitariste encore en 1980 de l'obscur groupe Black Rose (Cher en était la chanteuse, Steve Porcaro le claviers et Led Dudek le guitariste lead). Essayez d'être connu avec ça !

"Cruel intentions" est le premier album sous son nom, à cinquante ans, et c'est plutôt une jolie réussite. Car, si l'homme a un savoir-faire de vieux briscard, il ne s'en sert jamais comme paravent, et sait au contraire installer des atmosphères, sur ses propres compos comme sur les reprises osées qu'il se permet (Jimi Hendrix, Charlie Mingus...). Phil Brown s'occupe de tout, la guitare, la batterie, la basse et chante, une voix voilée comme il faut, aux réminiscences du Steve Miller de "Sailor" ou "Children of the future" ou de Tony Joe White. Le jeu de guitare peut rappeler Jeff Beck ou Robin Trower (les gros largages de puissance, bien saturés en effets, les dissonances).

"Charmed life" en ouverture démontre que Brown ne la joue pas commercial, le morceau est plombé, lourd de sustain et de distorsion, guitare rampante et centrale, juste effleurée par la voix et la batterie métronomique... pas vraiment "marketing". "Grind me" installe le tempo général, médian, chanson parcourue de frissons funky qui invite au plus lent "Hour to kill". Avant une fin d'album plus convenue, plus coulée, moins excitante, fleurant son Knopfler ("Heaven") ou parfois la variété ("La-lah-land", "Diva"), le coeur est en quatrième ligne, avec les trois reprises enfilées à la suite : "Rolling and tumbling" de Muddy Waters (voix torturée), "If 6 was 9" d'Hendrix (version baroque bourrée de breaks et d'effets mais sans surcharge, sorte d'expérience hallucinatoire sans acide et voix très proche de l'esprit Hendrix) et "Goodbye pork pie hat" de Mingus (quasi planante, on pense à Weather Report, à Santana surtout pour la guitare en survol rase-mottes...).