"Gangsta rap" n’est
pas seulement une analyse fouillée sur ce mouvement en Californie du Sud, de sa
naissance dans les années 1980 à son repli à la fin de la décennie suivante. C’est
aussi un panorama sur l’histoire globale du hip-hop, sans compter les
nombreuses digressions passionnantes sur d’autres genres musicaux ou artistiques
ayant fait vivre Los-Angeles au XXème siècle.
Pierre Evil
commence son livre par un long chapitre sur les relations entre le mythe californien
et la musique locale pour ensuite présenter six rappeurs emblématiques du
gangsta rap dans une perspective chronologique (Ice-T, Eazy-E, Ice-Cube, Dr Dre,
Snoop Dogg et Tupac). L’ouvrage regorge de références détaillées et diverses, l’auteur
n’omettant aucun élément susceptible d’apporter une réflexion sur le sujet :
du parallèle sans cesse fait avec la scène rap new-yorkaise aux influences
cinématographiques et littéraires, Pierre Evil aime se décentraliser de son thème
pour mieux y revenir.
Pour un sujet
aussi sulfureux et controversé que le gangsta rap, il prend un recul appréciable,
gardant un œil froid sur certains aspects scandaleux du genre (la misogynie, la
violence nihiliste, les débordements racistes d’Ice-Cube…) tout en
déconstruisant les critiques de ses détracteurs. Il souligne ainsi que le rap angelino,
bien souvent, n’a été qu’une fiction, une posture adoptée par des acteurs pour
reproduire à leur manière ce bon vieux rêve californien, celui de la réussite
matérielle et des artifices éphémères. Le gangsta-rap au final, c’est d’abord de
l’entertainment.
Mais celui-ci
a produit des albums solides et enrichissants. A ce titre, le chapitre sur Dr
Dre est édifiant. On y découvre une réflexion poussée sur le créateur du G-funk
(sous-genre mêlant les rythmes envoûtants du P-funk de George Clinton à l’agressivité
verbale du gangsta rap) et sur son meilleur album, l’incontournable "The chronic". De même, le dernier chapitre, celui consacré à Tupac, se révèle
surprenant en apportant un nouveau regard, mesuré et nuancé, sur le rappeur le
plus connu à travers le monde.
"Gangsta rap" convient
donc autant aux néophytes qu’aux mordus de N.W.A. (le groupe de Eazy-E, Ice-Cube
et Dr Dre) et de leurs descendants. Il est aussi essentiel dans sa synthèse des
vingt premières années du hip-hop que dans ses détours et ses parenthèses. A lire avec "Nuthin' but a G thang" dans les
oreilles !