One more time

Procol Harum

par Francois Branchon le 31/08/2005

Note: 5.0    

Après une longue éclipse et une série d'albums parus sous le seul nom de son leader pianiste chanteur et compositeur Gary Brooker, Procol Harum se reforme en 1991. Archétype du groupe flingué dès sa naissance par un tube au succès monstrueux ("A whiter shade of pale", à qui la natalité de l'année 68 doit beaucoup), il a défini une ligne assez "arty", sophistiquée sans être chiante, au fil d'albums réguliers, à condition d'aimer la voix omniprésente et voilée de Brooker et son piano devant.

En 1991, Brooker rappelle les "anciens", Keith Reid et Matthew Fisher, s'adjoint quelques musiciens, Tim Renwick (guitare) pour suppléer Robin Trower empêché, Dave Bronze (basse), le batteur Mark Brzezicki auquel il échoit de faire oublier BJ Wilson (décédé accidentellement l'année précédente). Ils enregistrent l'album "The prodigal stranger" (Zoo Records) et partent en tournée mondiale, où Geoff Whitehorn remplace Tim Renwick à la guitare lead.

Ce concert de 1992 (paru il y a quelques années sur le label Gazza de Gary Brooker) était parmi les derniers de la tournée. Le disque ne reflète pas tout à fait le set type, qui présentait le nouvel album en entier dont ici, seuls quatre titres sont gardés ("One more time", "Man with a mission", "The king of hearts" et "All our dreams are sold", tous co-signés "comme avant" de Brooker et Reid). La part belle revient aux morceaux anthologiques de Procol Harum, le magnifique "Homburg" (2ème single en 1967, totalement éclipsé par "A whiter shade of pale" qui heureusement ne figure pas ici), "Repent Walpurgis", "Grand hotel", "Shine on brightly", "A salty dog", "Whiskey train"... mais hélas pas "Broken barricades", mon préféré.

Gary Brooker, toujours mixé très en avant, n'a rien perdu de son charisme vocal, toujours capable de montées passionnelles ("A salty dog"), la version de "Grand hotel" est puissante et souple, Matthew Fisher à l'orgue Hammond sera toujours proche du génie ("Repent Walpurgis"), mais il y a un malaise, les souvenirs sont altérés, la force et l'évidence des chansons de Reid et Brooker ont besoin de temps morts, de silences, que l'on attend ici en vain...
Car les deux "nouveaux" ont l'air de s'être trompés d'adresse. Le guitariste Geoff Whitehorn n'a pas poussé droit, il penche vers les bavardages bruyants et inutiles, et Mark Brzezicki le batteur, il sait certes être précis ("Man with a mission") mais il lorgne beaucoup trop vers le "prog" version virtuose ("Shine on brightly"), carrément lourd ("The devil came from Kansas" à peine sauvé par ses chœurs bien huilés) ou franchement grotesque (la fin massacrée de cette pauvre "Repent Walpurgis" de derrière sa collection de fûts).

Alors certes Brooker, certes Fisher, mais on aurait préféré plus de sobriété et d'humilité de la part de ceux qui les entourent.