Escapology

Robbie Williams

par Alban Simonnet le 26/01/2003

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Feel
Monsoon
Nan's song


Le dictionnaire Collins donne du terme "escapologist" la définition "homme de spectacle qui se spécialise dans le fait de se libérer du confinement". Je ne sais si vous avez déjà vu une bombe en redingote, un dandy fashion aux yeux plus pénétrants qu'une 22 long rifle, un bouffon imprévisible. Moi oui, et il n'est pas confiné ! Avec "Swing when you're winning", Robbie Williams se faisait crooner, rebelle bien sous tout rapport fredonnant avec Nicole Kidman le charmant "Somethin' stupid". Revisitant le duo Sinatra père et fille de 1966, il souhaitait alors, en se démarquant d'une pop britannique fatiguée, rendre hommage à ce fameux RatPack (le trio Frank Sinatra, Dean Martin et Sammy Davis Jr) qui l'avait bercé enfant. Aujourd'hui, un ton volontairement plus rock est donné dès le premier morceau, "How peculiar". Le jeu saturé des guitares des mêmes Neil Taylor et Gary Nuttall suit une partition travaillée, sur une mélodie simple, rythmée par la batterie de Jeremie Stacey et la basse de Phil Spalding. Chaque instrument trouve sa place et est réellement utilisé pour ses particularités. Il en résulte, tout au long de l'album, un équilibre judicieux entre un jeu complexe gentiment perturbant et des mélodies simples, qui donne des titres plus qu'agréables. "Feel", premier extrait édité, est une ballade captivante, misant surtout sur la sensualité de la voix. Il a tout du tube accrocheur remixable à souhait et se démarque des autres par l'utilisation de piano et de synthétiseurs. Les ballades sensuelles et entraînantes sont le cocktail magique et habituel que le jeune artiste va exploiter à plusieurs reprises dans "Escapology", sans pour autant se répéter, car leur choix varie et actualise les références. Beaucoup d'ailleurs trouveront quelques ressemblances avec le son de quelques groupes de rock. Depuis le début de sa carrière solo, sa musique a été comparée à celle d'Oasis, mais si comparaison il y a, c'est à une seule certaine presse qu'elle est due, alimentant une soi-disant compétition (parfois physique) entre les frères Gallagher et Williams... Et ce dernier n'a t il pas "innocemment" ajouté le mythique "Wonderwall" de George Harrison à son répertoire ? Choisir "Song 3" comme titre à un morceau rock agressif n'est-il pas pour rappeler Blur et son "Song 2" ? Le futur hit "Monsoon" s'accommoderait fort bien d'un album de Muse et "Cursed" pourrait rappeler le travail de Placebo. Mais aussi, "Sexed up" pourrait évoquer le symphonique "Odessa" des Bee Gees, version ballade romantique, alors que "Love somebody" Robbie fait référence à queen, avec qui il avait travaillé sur la BOF "Knights tale" (Freddy Mercury n'en revit pas pour autant, mais il lui titille honnêtement les cordes). Pourtant, pour se garder une patte propre, le tandem Robbie Williams/Guy Chambers a su insérer quelques titres hétéroclites, "Revolution", duo mixte très soul, ou l'énigmatique fanfaronnade "Me and my monkey", mêlant trompette mexicaine, sexe, argent et tribulations à Las Vegas. Séquence émotion avec "Nan's song", seul titre dont Robbie signe les paroles et la musique, ode à sa grand mère, ballade irlandaise à guitare sèche et violons. "Escapology" n'aurait pas été complet sans le désormais traditionnel titre caché, morceau faussement inachevé qui ne méritait pas (et à juste titre) sa place dans la liste. Et, cerise sur le gâteau, une dernière ballade déconcertera les esprits trop sérieux comme les auditeurs les plus patients, puisque Robbie parodie... Robbie. Détente entre l'enregistrement de deux titres légitimes, ou intentionnelle boutade, c'est le mot de la fin du cancre qui reste heureux d'avoir réussi. Tant de chemin a été parcouru en moins de sept ans de carrière solo depuis la fin de Take That par ce jeune homme de 29 ans, que l'on s'étonne à peine des frasques qui accompagnent chacune de ses sorties d'album. Le tandem Williams/Chambers présente ici sa dernière principale collaboration. Il en ressort une énergie fort maîtrisée mais efficace, et la Grande Bretagne n'a pas fourni de meilleur remède contre la morosité depuis fort longtemps. Cet homme de talent est mu par une sensible passion, ce qui reste rare, justifie notre intérêt et une écoute en boucle sans s'en rendre compte.