Cobblestone runway

Ron Sexsmith

par Vincent Théval le 31/01/2003

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Former glory
These days
Least that I can do
Gold in them hills
Heart's desire


Souvent, un premier album voit son auteur balancer tout ce qu'il a dans le ventre, y compris sa collection de disques. Dans le meilleur des cas, il s'en défera pour trouver sa voie. Mais parfois, ça ne se passe pas du tout comme ça. Huit ans que l'on fréquente Ron Sexsmith et jamais l'ombre d'Elvis Costello n'avait à ce point pesé sur le canadien, de ses inflexions vocales aux pistes qu'il choisit d'emprunter (pop, folk, soul...). Chance, jamais il n'avait écrit de si belles chansons. Finement orchestrées mais enregistrées à l'ancienne, ces pépites sonnent merveilleusement bien. D'autant que Ronald Eldon Sexsmith ne leur refuse rien : chœurs, arrangements électroniques, cordes et piano sur le bouleversant "Gold in them hills", point d'orgue de l'album et classique en devenir, comme les trois merveilles qui ouvrent "Cobblestone runway". Leur facilité mélodique, leur fluidité renvoient la concurrence jouer dans sa chambre avec ses guitares en plastique et sa panoplie de songwriter. Et finalement, au-delà des quelques réminiscences frappantes et d'un apparent classicisme de l'écriture, on est frappé par la grande originalité de ce disque. Car après tout, a-t-on déjà entendu quelque chose comme "Heart's desire", point d'équilibre parfait entre pop, folk, électronique et soul ? Alors qu'on se pensait à l'abri de toute surprise, intime de Ron Sexsmith comme d'un ami que l'on connaît par cœur, nous voilà chamboulés. "Dragonfly on bay street" déroute franchement à la première écoute. Mais à la dixième aussi. Du disco, que dis-je... de l'électro-pop ! Très digne, qui plus est, enchaînée, comme si de rien n'était, à une petite merveille sucrée chipée à Burt Bacharach ("The less I know"). Mais que l'on ne s'y trompe pas, "Cobblestone runway" n'a rien de l'exercice de style volage et vain. Enregistré sur les brisées d'un divorce douloureux, c'est un disque mélancolique mais aussi parfois étrangement serein, à ranger aux côtés des chefs d'œuvres dont on aimerait qu'ils connaissent un succès à leur juste mesure. C'est-à-dire énorme.