Christ illusion

Slayer

par Chtif le 29/09/2006

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Cult
Catatonic
Jihad


Quinze ans qu'on attendait ça. Après avoir retrouvé ses compagnons d'arme en 2002, Dave Lombardo est enfin de retour sur disque avec Slayer, et ça s'entend. Il ne s'agit pas de dénigrer Paul Bostaph qui assurait en honnête bûcheron la transition depuis 1992, mais reconnaissons que la seule évocation du premier batteur de Slayer suffit à faire trembler les fûts.

Après cinq albums (dont le triplet (black) magique "Reign in blood" - "South of heaven" - "Seasons in the abyss"), Dave largue en 1991 son emblématique groupe trash metal pour fonder son propre combo. Pari gagné : le nouveau-né, Grip inc., ne joue pas la copie et réussit à créer son propre son (on recommande chaleureusement "Nemesis", le deuxième de leurs quatre albums). Pendant dix ans, Lombardo se forge ensuite une aura intouchable en multipliant les collaborations hors des sentiers battus. Que ce soit avec ce taré de Mike Patton au sein de Fantomas, les violoncellistes d'Apocalyptica, ou le saxophoniste John Zorn, il démontre toute l'étendue de son talent : jazz, trash ou punk, sa technique et son groove rapide plein de feeling fascinent. C'est bien simple, le moindre break est une tuerie.

Rejoindre le trio King-Hanneman-Araya n'était pas si évident. Si Slayer n'a jamais démérité pendant les années 90, force est de reconnaître que les albums ayant suivi le départ de Lombardo ont tous laissé un arrière-goût de carcasse réchauffée en bouche. Certes, le groupe a su négocier le virage néo-métal sans se compromettre, mais semble avoir égaré le sens mélodique (et oui !) qui fit sa renommée. Slayer est avec Metallica le seul groupe métal à avoir pondu une véritable collection de tubes incontournables, le genre de morceaux capables de rendre littéralement dingue, d'humilier en l'écrasant une foule de vilains devenus épileptiques dès les premières notes. Ca fait belle lurette qu'on ne s'est pas pris un "Seasons in the abyss" en pleine poire, et tout le monde espérait un retour de Dave pour insuffler le petit bout d'âme damnée qui manquait dans le moteur.

"Christ illusion" rassure d'emblée : le design de la pochette rappelle celui de "Reign in blood", et après dix secondes de larsen, Blam !, nous revoilà parachutés en 1986. "Flesh storm", ultra-brutal, évoque de suite le classique "Angel of death". La production est radicale, moins "moderne" que sur les récents opus. Tout est là : les guitares qui tronçonnent à tout va et la double caisse de Dave proprement inhumaine. "Catalyst" continue sur la même lancée, avec ses breaks harassants de groove violent et ses solos hurlant sous la roulette d'un dentiste psychopate. "Eyes of the insane" marque une (relative) première pause avec un tempo d'une lourdeur à mettre vos tripes en pelote. Slayer sait depuis "South of heaven" (1988) qu'il est bon de ménager le tempo par moments pour mieux refaire le coup du lapin par derrière.

Après trois morceaux seulement, on entend déjà les détracteurs reprocher au groupe de ne pas se renouveler d'un poil, et pourtant, la chanson suivante est une petite révolution pour nos métalleux. L'intro de "Jihad" balance un riff malin indéfinissable au premier abord. on croirait presque entendre une troupe rock new-yorkaise. Vingt secondes plus tard, Dave déboule, bastonne sec, efficace, avant de balancer la sauce pour de bon. Au moins trois riffs
excellents s'emboîtent pour dresser ce nouveau classique du groupe.

La suite, de facture plus classique, ne fait pas de cadeau. il faudra attendre le mid-tempo épouvant de "Catatonic" et le single "Cult" (sorti le 6/6/06 - inévitable) pour retrouver deux nouvelles pièces maîtresses habilement construites. On se répète, mais décidément, quel batteur ce Dave... Tom Araya hurle avec conviction ses lyrics forcément "explicit", et on s'incline devant tant de hargne. Ca promet pour les concerts à venir. Avec "Christ illusion", Slayer vient de frapper un grand coup, et demeure incontestablement le leader du genre qu'il a lui-même créé. Après ça, si vous n'accrochez pas chez vous une affiche "mon boucher est un type sympa", c'est à n'y plus rien comprendre.