BOF Demonlover

Sonic Youth

par Jérôme Florio le 20/01/2003

Note: 7.0    
Morceaux qui Tuent
Move away


Sonic Youth demeure après vingt ans de "carrière" un groupe aux innombrables passions, toujours à l'affût d'expériences et de nouvelles collaborations. Ils signent ici la bande originale du film "Demonlover" d'Olivier Assayas : attention, on est loin d'une partition illustrative et sans âme ou d'une vulgaire compilation type best-of, ce qui est malheureusement l'ordinaire de bien des musiques de film aujourd'hui. Bien au contraire, la volonté d'Assayas a été d'impliquer le groupe du début à la fin du processus créatif, depuis la lecture du scénario jusqu'au montage. Étant donné l'étroite symbiose entre la musique et l'image, on pourrait se demander si l'une peut exister sans l'autre. La réponse est oui : Sonic Youth se tire brillamment de cet exercice en proposant à l'auditeur de se faire son propre film. Les huit titres présents ici, de durées variables, plantent un décor vide qui n'attend plus que vous pour l'habiter et lui superposer vos propres images mentales. On imagine bien les conditions de production de ces morceaux : d'interminables improvisations desquelles Assayas et le groupe ont extrait quelques minutes de musique qui n'a ni début ni fin, en suspension, étrangement apaisée comme le calme après la tempête, définitivement inachevée. C'est peut-être ce que Sonic Youth a produit de plus "ambient" (les aînés diraient "planant" !), mais l'immobilité n'est qu'apparente, il se passe toujours quelque chose sous la surface. "Move away", le premier titre, est la seule véritable (et grande) chanson du lot, danse hypnotique chantée par une Kim Gordon à la sensualité déréglée. Les autres sont des instrumentaux en apesanteur, évoluant dans une ambiance industrielle à la vertigineuse verticalité. Tout du long de ces titres à l'électricité basse tension, des grondements de guitare, des crépitements électriques répondent à des sonorités plus cristallines. La menace n'est jamais loin, elle rôde, souterraine et rampante. Soulignons la cohérence des morceaux additionnels avec la musique de Sonic Youth : Goldfrapp pour la sensation d'espace, Death In Vegas pour la transe, Dub Squad pour l'aspect désincarné et technologique, Soulfly pour le côté cyberpunk tribal. Il n'est pas nécessaire d'être fan de Sonic Youth pour apprécier ce disque : il suffit d'avoir envie de jouer à l'explorateur pour se perdre dans des paysages sonores encore peu explorés.