Evol

Après des débuts au sein de la scène indépendante new-yorkaise avec un Ep éponyme (1982) et le bruitiste "Confusion is sex" (1983), Sonic Youth sort l’inégal "Bad moon rising" (1985), ouvrant une voie vers une musique moins radicale, où un semblant de pop s’installe alors que les guitares se font plus oniriques. Ce changement sera confirmé par "Evol" en 1986, premier grand disque du groupe.

Très cohérent, celui-ci instaure une atmosphère unique, qui s’étend tout au long de ses morceaux (excepté le dernier, l’étonnant "Bubblegum", totalement à contre-courant avec son rock facile et accrocheur). D’une tonalité angoissante presque douloureuse, "Evol" poursuit les expériences sonores dissonantes et nihilistes mais dans un cadre plus apaisé, permettant à de réelles mélodies d’émerger de ce capharnaüm. On est d’abord intrigué par cette ambiance mystique et dérangeante, puis on succombe à ce son sale et âcre de guitare, à cette basse malmenée par Kim Gordon, à cette intensité progressive qui n’explose jamais vraiment.  

Un seul morceau résume tout ceci : épopée de sept minutes, "Madonna, Sean and me" démarre comme un hymne pop rock scandé par Thurston Moore, avant de s’évaporer dans le crissement des guitares, convergeant vers une abstraction troublante proche de la musique concrète. Faire se rencontrer les contraires pour créer quelque chose d'original, telle est donc la vision de Sonic Youth sur "Evol". Celle-ci se prolongera sur "Sister" (1987) avant de connaitre une reconnaissance critique et commerciale avec "Daydream Nation" (1988).