Forevermore starts here - The anthology 1984-2010

St Christopher

par Jérôme Florio le 20/12/2014

Note: 8.0    
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St Christopher, formé par Glenn Melia à York (Angleterre) en 1984, a tout du parfait groupe underground culte : un trésor caché et pourtant exposé à la vue de tous pendant 25 ans de carrière, à la fois invisible et d'une présence constante (sauf un long silence entre 2000 et 2008). Ballotté au gré de labels aussi marquants que fragiles (Sarah Records, Vinyl Japan, Elefant), Melia a semé nombre de brillants petits cailloux pop, dont cinquante-trois sont rassemblés sur cette présente anthologie.

Plutôt qu'un déroulé chronologique, Glenn Melia (maître d'œuvre et seul membre permanent du trio originel), a préféré organiser un montage sensible, au diapason de sa musique. "Forevermore starts here" comprend notamment l'intégralité des enregistrements pour le compte du label Bristolien Sarah Records, soit 18 titres entre 1989 et 1991. St Christopher ne représente sans doute pas Sarah Records dans son intégralité (images persistantes de groupes à la gaucherie touchante), mais on peut supposer que Melia a trouvé chez eux un terrain totalement en accord avec ses principes – musicaux, esthétiques, politiques. Une décision qui a sans doute pesé sur la destinée commerciale du groupe, mais qui participe de la légende associée à ce label : Glenn Melia y a publié des singles et Ep bourrés de belles chansons comme autant de bouteilles lancées à la mer ("Say yes to everything", "All of a tremble", tout le Ep "Bacharach" ou encore "Antoinette", sorte de symphonie Beach Boys de poche).  

St Christopher, bien qu'ayant toujours réussi à préserver sa singularité, a aussi influencé ou copié les groupes de son temps : le rock un peu glacial de "Awe" (1985) rappelle Echo & The Bunnymen ; une basse très en avant comme celle de Peter Hook (Joy Division, New Order) sur "Go ahead, cry…" (1986) ; on se demande qui de Pulp ("Disco 2000") ou St Christopher ("She looks like you"), parus en 1995, a plagié l'autre ? ; le riff et la mélodie basiques et directs de "Utopian" sont à rapprocher de "I don't love anyone" (Belle & Sebastian), sortis en 1996.

La carrière de St. Christopher ne se réduit pas à la parenthèse Sarah Records : il y a un avant et un après, qui méritent autant le détour. Tiré de la compilation "Airspace" (1988, Breaking Down Records), "To the mountain" est éblouissant ; tout le "Summer 1987 EP", ou le single "Crystal clear" (1984) sont incontournables. Il faut attendre la décennie 90, après Sarah Records, pour que Glenn Melia publie des LP : jusque-là il semble que son mode d'expression privilégié ait été le single plutôt que le long format – la légèreté de la lettre contre l'épaisseur du roman. Globalement, le son s'épaissit avec les années et les guitares font le mur ("Low", 2000, un mix étrange avec la voix qui rejette l'accompagnement vers le fond ; "Burnout", un des derniers singles du groupe en 2008, enchaîné sur le disque avec le premier single "Crystal clear" de 1984 sans que cela ne choque). La théâtralité qui affleure souvent dans le chant de Melia trouve un accomplissement sur "The last laugh" (2009), boléro façon Roy Orbison.

De la maigreur juvénile des débuts (ces guitares à l'électricité nue, métalliques, cette voix mince) à un âge mûr au son plus rond, l'itinéraire en zigzag proposé sur ce double Cd permet d'apprécier les constantes plutôt que les différences : l'écriture et l'interprétation tendue et romantique de Glenn Melia, des mélodies précieuses et une pop à guitares comme éclairée de l'intérieur, qui remet en mémoire ce que les eighties ont pu produire de meilleur dans le genre (Pale Fountains, Eyeless in Gaza, Felt, Echo & The Bunnymen…) : St. Christopher a sa place sur le podium.



ST. CHRISTOPHER Crystal clear (Audio seul, 1984)



ST. CHRISTOPHER All of a tremble (Audio seul, 1989)



ST. CHRISTOPHER She can wait forever (Audio seul, 1990)



ST CHRISTOPHER To the mountain (Audio seul, 1988)