These are the vistas

The Bad Plus

par Sophie Chambon le 26/05/2003

Note: 8.0    

Voici un trio de francs-tireurs dont les membres, tous natifs du Mid West, se connaissent depuis l’adolescence, bien qu’ils aient du attendre l’an 2000 pour former The Bad Plus, groupe qui fusionne différentes esthétiques . "These are the Vistas" est le titre énigmatique de ce second album, étrangeté que souligne la photo de trois énergumènes, à la dégaine "space", "robonautes" du vide, à l’instar des illustrations intérieures. Les trois compères manient une irrévérence sérieuse, tout en jouant avec entrain et aisance. Le temps de la relève serait-il venu pour des groupes dans le sillage de Happy Apple - le point commun est David King, frénétique et tournoyant batteur - qui amorcent un style musical hybride donc vigoureux, déjanté mais sans excès, provocateur chic ? Se retrouvent dans les diverses compositions, originales ou reprises, lisibilité de la pop, énergie irrésistible du rock, et blues soyeux comme dans "Guilty" : au final, une musique entraînante qui se nourrit, tout en les détournant, d’influences aussi diverses que Nirvana dans "Smell like teen spirit", Aphex Twin dans "Flim" et même "Heart of glass", le hit glamour de Blondie. On sent bien le plaisir à déconstruire, par jeu et sens du déplacement, mais gratuitement, sans aucune dérision. C’est peut-être ce qui manque le plus, la dérision, une vision parodique du système et de toutes ces musiques "empruntées» élégamment. Mais on se laisse volontiers séduire par la qualité des instrumentistes, "bad boys" qui jouent vite, fort et propre : la rythmique est impeccable (souplesse des lignes de basse, puissance maîtrisée de la batterie), le piano acharné, hypnotique, emphatique sur "Silence is the question. Le plus subtil reste le bassiste Reid Anderson qui nous ramène sur le versant du jazz avec un son chaud, boisé, des lignes épurées qui contrastent d’autant avec les envolées délirantes du pianiste, Evan Iverson. Si c’est une illustration de ce que propose la scène américaine jazz actuelle, pour le public jeune et branché, reconnaissons que le travail est soigné, les titres présentés explicitement : rien de "grunge" dans l’attitude du trio, la décontraction affichée n’est qu’apparente. The Bad Plus voudraient bien ouvrir de nouveaux horizons et sont bien partis pour que l’on compte avec eux dans le futur. Ils faudrait les voir sur scène, ils passent à Vienne (France) le 2 juillet prochain.