SOS JFK

The Children's Hour

par Jérôme Florio le 06/01/2004

Note: 9.0    

Dans le poème éponyme de H.W. Longfellow, "The Children's Hour" est ce moment suspendu et indécis, entre chien et loup, où coexistent la nuit et le jour naissant.

La musique du duo de Chicago est un touchant mélange de maîtrise et de gaucherie - "un entre-deux qui boite avec grâce", dirait Jean Cocteau. Multi-instrumentiste amatrice (harmonium, harpe, piano…), Josephine Foster est passée par une école d'opéra : son chant clair et puissant ondule avec aisance sur un finger-picking rêveur et approximatif, efficacement complété par celui d'Andy Bar.

Il est beaucoup question d'enfance : Foster porte sur cet âge un regard à la fois douloureux et attendri ("Little boy"), loin du bonheur frelaté que l'on nous vend à coups de spots publicitaires. Il y a beaucoup d'elle-même dans "Adoption day" ou "Kindness of strangers", où douceur et douleur vont de pair. Sa voix provoque le même effet que celle de Chan Marshall (Catpower) : un fil d'Ariane en prise directe avec l'auditeur, sans filtre, qui est l'expression immédiatement déchirante d'un état de manque affectif ("Anna"). Une proximité presque gênante, qui peut aussi se passer de mots ("Going home").

Les textes de "Mary" et "Wyoming" regorgent d'images panthéistes, qui font écho à l'échappée onirique et sauvage des enfants dans "La nuit du chasseur" – sans la menace de l'effrayant pasteur interprété par Robert Mitchum. Ici juste une prière désarmante de simplicité ("The lumberjack song"), comme celles que l'on fait étant petit, agenouillé au pied du lit, avant d'aller se coucher. Sur "SOS JFK", on dirait que Josephine Foster chante pour se donner du courage dans l'obscurité.

L'atmosphère est simple et rurale : l'impression d'être bercé par une radio qui joue des chansons country-folk des années 40, plus ou moins infusées par des folklores du pacifique et orientaux (de l'ukulélé, les harmonies de "The Chinese song"). Une guitare western ouvre les grandes étendues de "Lost love" ou "SOS JFK", sur la piste de Tarnation – Foster sonne alors comme une Paula Frazer femme-enfant.

Dans le film d'Orson Welles, Charles Foster Kane (SOS CFK !) est un magnat tout-puissant, rongé jusqu'à la fin par un petit bout d'enfance toujours saillant : Josephine Foster pourrait être sa sœur cadette. SOS JFK est son bouton de rose.