Every day

The Cinematic Orchestra

par Martin Dekeyser le 23/06/2002

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Evolution
All things to all men


Succédant à "Motion" sorti en 1999, ce nouvel album, dont les compositions sont signées de Jason Swinscoe et du bassiste Phil France, orchestre un mélange habile de jazz atmosphérique et d'électronique climatique revendiquant fièrement ses influences noires. Mélangeant les performances live d'un solide combo de musiciens de jazz à un exercice de savant échantillonnage, "Everyday" se paie se le luxe de deux invités de marque qui impriment de leur cachet cette œuvre d'orfèvre. La diva soul des 60's Fontella Bass, membre du collectif free-jazz The Art Ensemble of Chicago, amène tout autant de la tension que de la respectabilité, "Evolution" lui permettant de se déployer pleinement dans un registre ténébreux et hanté. "All things to all men", sublime drame mélodique de onze minutes, laisse les coudées larges au 'flow' posé d'un Roots Manuva décidément surprenant dans sa capacité à contaminer des registres éloignés de ce rap trop souvent en cycle fermé. Au niveau du combo jazz, deux nouvelles recrues contribuent elles aussi à donner de l'élan à ce nouvel album par rapport à son prédécesseur. Patrick Carpenter (alias PC de Dj Food) imprime sa science du dj'ing à base d'effets psychédéliques et de breaks bien placés. Mais c'est surtout Luke Flowers, le nouveau batteur, qui nous subjugue (le voir en concert est un réel plaisir). Extrêmement à l'aise, qu'il s'agisse de supporter les solos de ses congénères ou d'effectuer un break inspiré, il s'inscrit dans une rythmique groove et typiquement afro-américaine. La conclusion éponyme de l'album confirme cette intuition. L'orchestration savante de loops de Swinscoe, issues de chœurs africains, conclut comme un hommage au continent noir. Cet astro-jazz prend de l'amplitude et se marque de ponctuelles tensions par les vocalises de Bass ou le 'flow' de Manuva. L'Afrique saigne et c'est dans sa douleur introspective qu'elle libère ensuite qu'elle exprime le mieux toute sa musicalité et la fonction de celle-ci dans son imaginaire collectif. Reste que Cinematic Orchestra est composé entièrement de musiciens blancs. Quand le métissage est à l'œuvre et qu'il opère au sein d'une synthèse disjonctive conservant les qualités des deux termes impliqués, il préfigure ce que la société de demain laisse augurer de meilleur.