Thirteen years in noises

The Ecstasy of Saint Theresa

par Jérôme Florio le 07/11/2004

Note: 7.0    

The Ecstasy of Saint Theresa (TEOST), voilà un nom et un visuel qui fleurent bon la cold-wave d'il y a vingt-cinq ans : mais pour les Tchèques, les années froides ont continué jusqu'en 1989, quand leur "Révolution de velours" a précipité la chute du régime communiste. TEOST arrive alors au bon moment pour capter l'attention d'une génération qui a faim de musique et de création. "Thirteen years in noises" scanne la carrière du groupe en quinze étapes-clés placées chronologiquement, choix judicieux qui permet de mieux en apprécier la trajectoire.

En 1991, la première radio indépendante du pays, Radio 1, est encore toute jeune. C'est elle qui lance le groupe en jouant souvent leur premier EP, "Pigment" - on pense aux titres énigmatiques et précis des disques de New Order ("Technique", "Brotherhood"). The Ecstasy Of Saint Theresa, un nom vaguement subversif dans un pays à forte tradition catholique (mais c'est quand même plus soft que s'appeler "division de la joie"…), et un visuel glaçant qui rappelle la plante gorgée de sang de "Violator" (Depeche Mode), voire les pochettes du label 4AD. La formation comprend alors Irma Libowitz (chant), Jan Gregar (basse), Petr Wegner (batterie), et Jan Muchow (guitare, compositions) qui reste jusqu'à aujourd'hui le seul membre d'origine.

"What's" et "Square wave" montrent TEOST sous forte influence Ride et My Bloody Valentine période "Isn't anything" : les voix de Libowitz et Muchow sont privées d'émotion, noyées dans une masse sonore compacte jouée les pieds au plancher - et les yeux vers le plancher aussi, dans une posture "shoegazer", mouvance qui a dû doper les ventes de pédales d'effet "delay" en Angleterre. Les guitares dressent un mur du son à base de distorsion énorme, électronique, où tout reste paradoxalement lisible, à commencer par la structure pop des morceaux.
Leur premier album "Susurrate" (dont est extrait la narcotique-frénétique "To Alison") leur permet de s'exporter hors de Tchécoslovaquie. Ils trouvent une oreille intéressée en la personne de John Peel, qui les invite à la BBC pour enregistrer trois titres d'une "Peel session" ici en intégralité. Le son est plus précis, mieux mixé, le propos au départ très concentré se dilate dans de longues accalmies hypnotiques ("Fluidum"). Ce goût pour l'ambient électrique se confirme sur "Her eyes have it", qui ouvre de nouvelles perspectives : on est plus proche de la transe que de l'extase, en l'absence de climax identifiable. Le remix de "Vacuum blow" est à peine une chanson, juste une membrane qui vibre dans l'espace, ce qui montre que Jan Muchow était aussi très attentif à la vague techno. C'est sans doute le meilleur moment du groupe, qui trouve son point culminant sur l'album "Free-D" (sur lequel tous les titres oscillent entre sept et dix minutes).

TEOST se réduira ensuite à Muchow et Katerina Winterová, une nouvelle chanteuse plus dans l'air du temps, moins distante que Libowitz. "Neon" et "I'm (not really) optimistic" évoluent sur le terrain balisé de l'électro chantée, à la trame rythmique parfois ultra-complexe qui demande un bon bac+8 pour savoir la programmer ("Local distortion"). Une sensualité à base de bourdonnantes lignes de basse qui fait penser, avec un peu d'avance (!), à Björk sur "Vespertine".

La compilation se referme sur le remix d'un titre des jeunes Britidh Sea Power, en lesquels Muchow dit se reconnaître à ses débuts. Une posture de passeur qui semble lui convenir au moins aussi bien que celle de défricheur.