Crazy rhythms

The Feelies

par Emmanuel Durocher le 25/11/2009

Note: 9.0     

Dire que The Feelies faisaient figure d'Ovni en 1980 est un euphémisme. En réécoutant "Crazy rhythms", on note quelques influences : un lointain cousinage avec les Buzzcocks - les titres les plus pop comme "Fa cé la" et "Crazy rhythms" -, une descendance directe avec le Velvet Underground - "Forces at work" sorte de "Sister Ray" pastoral" - et un inconscient perdu dans les sixties dans la reprise du "Everybody's has something to hide except me and my monkey" des Beatles. Mais, en fin de compte, la musique des têtes pensantes des Feelies, Glen Mercer et Bill Million, ne ressemble à rien de connu. Provinciaux - d'Hoboken New Jersey, comme Yo La Tengo quelques années plus tard -, avec un look d'ados attardés (et deux binoclards en prime), ils étaient à mille lieux de l'intelligentsia new-yorkaise du post punk à laquelle on a trop voulu les associer, dotés d'une modestie et d'une insouciance qui passait mal à travers l'arrogance de la Grosse Pomme.

Les titres de ce premier album semblent reposer sur un équilibre fragile, entre tension extrême et accélération galopante, "The boy with perpetual nervousness", "Loveless love" et "Moscow night" sont des mille-feuilles sonores où l'on commence léger pour terminer dans une orgie musicale : une nouvelle dimension faite d'audace sonique, de percussions multiples et de strates de guitares qui s'ajoutent au fur et à mesure. Trente ans après, les mélodies en cascade des neuf plages anxieuses de "Crazy rhythms" gardent une allure intemporelle : avec ou sans paroles, elles figurent parmi les témoins les plus authentiques d'une période foisonnante et déroutante.