U

The Incredible String Band

par Francois Branchon le 18/12/2017

Note: 9.0    

"U" de l'Incredible String Band fut un événement hors-normes. Après sept albums tous plus précieux les uns que les autres - mentions particulières à "The 5000 spirits or the layers of the onion" (1967) et "The hangman's beautiful daughter" (1968) - Mike Heron et Robin Williamson veulent voir plus grand. Ainsi naît le projet "U", qui allie leur musique avec le théâtre et la danse de la troupe Stone Monkey, conçu pour n'être joué que sur scène. Le groupe s'embarque pour une tournée américaine début 1970. Mais l'échec relatif du projet conduit à son enregistrement sur disque pour sauver financièrement l'affaire. Un double vinyle parait quelques mois plus tard, comme les précédents produit par le fidèle et éternel Joe Boyd.

Depuis l'origine, écouter "U" conduit à un constat troublant : on balance entre amour aveugle - "wow le plus grand disque du monde !" et consternation désolée - "mais qu'est-ce que c'est que ce foutoir !".
Aujourd'hui encore, le dilemme n'est pas tranché. Pour donner une idée, imaginez entendre simultanément des extraits des albums précédents, une fanfare qui traverse la pièce et une bande son de dessin animé en fond. On caricature bien sûr, mais...

Des passages d'une poésie rare parsèment l'oeuvre, et d'abord ce sitar enveloppant en ouverture, qui annonce la couleur : ce sera planant sinon rien. Des percussions hypnotiques ne se privant pas d'hésiter, comme dans une gigantesque improvisation, des passages de flutes sur fond d'harmonium pour changer les tableaux, "El wool suite" signé Mike Heron est un foutu départ de voyage de plus de huit minutes. Deux autres compositions de Heron, les huit autres minutes de "Bridge song" et les quinze de "Rainbow" en clôture sont tout aussi hors-normes. Entre-temps, d'irrésistibles vocaux en lévitation lysergique ("The juggler's song",) une intimité atmosphérique toute buckley-ienne ("Time"), l'archi-baroque "Queen of love", le pastiche blues de Robin Williamson au piano ("Robot blues") complètent un voyage épique plus barré encore que l'album "Wee tam and the big huge" (1969).

Bien sûr on trouve des points faibles, ce "Bad Sadie Lee" comedy song dispensable, ces dix minutes paraissant interminables de piano funèbre ("Light in time of darkness), une auto-indulgence passagère ("Astral plane theme"), mais on restera pour toujours attaché à "U", totalement foutraque mais totalement onirique et totalement beau.




INCREDIBLE STRING BAND El wool suite (1970 Audio seul)



INCREDIBLE STRING BAND Time (1970 Audio seul)



INCREDIBLE STRING BAND Invocation (1970 Audio seul)