BOF Spider

The Kronos Quartet

par Francois Branchon le 24/11/2002

Note: 9.0    

Spider de Cronenberg sort ici en novembre. Pluie, ciel bas et phares de voitures en plein jour, le décor parisien est raccord au gris muraille du film, aux murs marbrés de moisissures de son générique, aux dessous poussiéreux de ses carpettes élimées, aux marmonnements du prodigieux Ralph Fiennes (auquel le prix d'interprétation à Cannes serait allé comme un gant). Cronenberg ne fait jamais dans le glamour, et encore moins lorsqu'il explore à l'œil nu et remonte le temps d'un cerveau schizophrène, une introspection aride tout à l'opposée d'un Lynch. Le Kronos Quartet vient de San Francisco et représente une variante "classique" de l'école minimaliste et répétitive des Steve Reich, Philip Glass et Terry Riley, ces musiques qui ne soulignent rien, ne suggèrent rien, se contentant de piéger l'esprit de l'auditeur, laissant à son cerveau le soin de léviter sans s'en rendre compte. Howard Shore, compositeur titré de BOF ("Philadelphia", "Seigneur des anneaux", "Silence des agneaux"...) chargé par David Cronenberg de la musique de "Spider" comme de ses autres films a eu la judicieuse idée de prendre le Kronos Quartet comme interprète, aux côtés de la pianiste Ethyl Will. Une occasion pour eux, après les passerelles jetées ces dernières années vers les musiques du Monde, de revenir au classicisme, en l'occurrence d'un "septet", trois violons, violoncelle, clarinette, trompette et harpe. Dans le film, les séquences où intervient la musique sont peu nombreuses, et quand c'est le cas, elle hante l'espace de nappes lointaines - échos de sensations perdues dans l'esprit de Spider luttant pour se reconstruire sa mémoire - ou en vibrations plus pressantes, oppressantes même (la scène de panique pour la fuite de gaz de la "supposée" centrale voisine). Le disque est donc plus disert et riche, et il en devient le prolongement indispensable d'une atmosphère inoubliable, recréant sans peine les images dans toutes leurs dimensions. Regrettons simplement l'absence de "Silent night", morceau de Noël traditionnel certes éculé mais qui, à sa place dans le film, atteint une force émotionnelle rare et poignante.