The belgian kick

The Married Monk

par Martin Simon le 30/05/2004

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Love commander
The belgian kick


Trois ans après le trop méconnu "R/o/c/k/y", revoilà enfin les français de Married Monk, en trio cette fois, mais fidèles à eux-mêmes. Formation au non-sens originel (livrez-vous à quelques traductions…) et aux lignes de conduite atypiques, ce quatrième album vient de nouveau frapper la convention en pleine face, d’un coup de pied virtuose et plein d’audace.

Insaisissable et intriguant, "The belgian kick" pratique, comme son prédécesseur, l’art du contre-pied avec faste. Entre pop aérée ("Love commander"), irrésistibles love songs ("Totally confused"), disco façon Venus ("Pretty lads"), sans oublier quelques objets hybrides étrangement bricolés ("Tell me Garry"), le groupe enchaîne sans peine les approches musicales. Au sein des morceaux eux-mêmes, la déroute est à l’honneur, comme en témoignera le séduisant "The belgian kick", aux ruptures multiples. Sans jamais se disperser toutefois, Married Monk affiche un spectre musical encore plus large ; on finit par perdre les repères, égarés parmi des plaisirs mélodiques habilement déclinés, chacun à leur manière. Et, nécessairement, par y prendre goût.

"The belgian kick" maîtrise donc la diversité avec talent. Touffu mais soigné, ambidextre mais structuré, violons et pianos y côtoient synthétiseurs et boites à rythme sur un arrière plan à cheval entre deux décennies. A la fois lyrique, nonchalant et élégamment désuet, tissé d’arrangements peu orthodoxes, de sons variés et de mélodies évidentes, cet album laisse transparaître des influences principalement 70’s ("Love commander") et 80’s ("Skip the summer"). On pense aux Violent Femmes, à David Bowie, et bien sûr à John Barry sur "You only live twice ", à l’époque chanté par Nancy Sinatra et pour le coup merveilleusement interprété par Christian Quermalet, dont la voix – quelque part entre Bowie et Neil Hannon – a pris un sérieux coup de maturité !

Certes, il y a quelque chose de déconcertant dans la musique de Married Monk. Elle dérange puis se range, flirte avec les extrêmes, séduit l’oreille pour la surprendre de plus belle. Comme une toile aux légères faussetés, des éléments étranges surgissent insatiablement, prennent le relais, se contredisent, faisant valoir au final une esthétique pleine de charme, mais peu commune… Nombreux seront les découragés de la première écoute. Justement, "The belgian kick " s’écoute en entier, et signe par la même une jolie invitation à la curiosité, toujours plus beau, toujours plus dense.

Voilà donc une bande-son contemporaine aux saveurs imparfaites, la clé de voûte d’un siècle qui n’a pas encore oublié le précédent, et qui correspond sans doute trop à notre époque pour être tout à fait en vogue. Voilà un disque sublime, et malheureusement trop rare.