High violet

The National

par Jérôme Florio le 20/06/2010

Note: 7.0    

Le titre en forme d'état d'alerte, "High violet", était un teaser efficace qui laissait présager le meilleur pour le cinquième album de The National. On l'imaginait sur la même ligne que le précédent "Boxer" (2007), qui sonnait bien, dialoguait avec son époque. Autant l'avouer, on n'arrive pas à dégager une impression claire à l'écoute de ce nouveau disque d'un groupe désormais incontournable dans le paysage de la musique indépendante américaine.

"High violet" montre que The National a trouvé une signature sonore immédiatement reconnaissable. C'est une oeuvre d'art contemporain qui a été choisie comme illustration sur la pochette : on pourrait aussi comparer le son du disque à la noirceur élégante et épaisse, qui sait aussi réfléchir la lumière, des tableaux de Pierre Soulages – mais comme pour ces derniers, la répétition peut engendrer de la lassitude.





La recherche d'un climax est la porte de sortie obligée pour "Terrible love", "Little faith", "Sorrow", "Conversation 16" (arrangée par Richard Parry de Arcade Fire)... Pour y arriver, c'est toujours à peu près le même mode opératoire : une batterie toute en roulements comme une mitraillette au ralenti installe une pulsation hypnotique ; les couches de guitares ou de claviers se superposent ("Afraid of everyone" en est la caricature et "Runaway" carrément faible) ; Matt Berninger pioche dans son stock de courtes phrases mi-évocatrices mi-sibyllines, en choisit une qu'il répète ad lib, parfois reprise à l'unisson en fin de chanson.
Le disque est construit sur une forme de refus, les textes regorgent de négations. Comme un Droopy indie-rock, Matt chante le plus grave possible, trimballe son mal-être urbain mâtiné d'agoraphobie ("Afraid of everyone") entre New-York ("Little faith") et Londres ("England"). Sa diction syncopée, pâteuse comme après une grosse cuite, épouse une tonalité d'ensemble sourde, infectieuse, comme en apnée : les titres qui fonctionnent le mieux dans ce carcan finalement plutôt rigide sont "Sorrow", "Little faith" et Lemonworld".

On se surprend à penser aux derniers disques de Depeche Mode, qui ne laissent pas d'autre trace dans la mémoire que l'impression d'avoir entendu un long bourdon de basse. Malgré une facture soignée et très classe, l'urgence et le style de "High violet" se dissipent peu à peu, laissant apparaître des procédés d'écriture trop voyants pour tenir en haleine.



THE NATIONAL Bloodbuzz Ohio (Clip 2010)