Morrissey presents the return of the New York Dolls, live from Royal Festival Hall, 2004

The New York Dolls

par Emmanuel Durocher le 03/11/2006

Note: 8.0    

Le Moz est devenu spécialiste des exhumations de viande froide (Jobriath) ou encore chaude (Nancy Sinatra) ; avec les New York Dolls, il jongle avec les morts et les vivants en étant le principal instigateur de la reformation d'un groupe dont les survivants se font rares, Billy Murcia le premier batteur du groupe a disparu en 1972, Johnny Thunders et Jerry Nolan sont morts d'overdose au début des années 90, et Arthur "killer" Kane présent pour ce retour décèdera peu de temps après d'une leucémie. L'ancien chanteur des Smiths a profité de se voir offrir la place de maître d'œuvre du festival Meltdown en 2004 pour reformer un des piliers du glam-glitter qui s'autoparodiait en se travestissant avec les froufrous les plus excentriques mais aussi une des influences majeures du punk des deux côtés de l'Atlantique. David Johansen (chant), Sylvain Sylvain (guitare) et Arthur Kane (basse) sont épaulés par Steve Conte qui remplace Johnny Thunders comme guitariste, Gary Powell des Libertines qui frappe les caisses à la place de Jerry Nolan et Brian Koonin aux claviers.

Le Royal Festival Hall se pare de paillettes pour accueillir les vétérans et leurs acolytes, les Dolls ont mis un petit coup de frein à leur tenue vestimentaire ; Johansen, complètement décharné comme un Iggy Pop avec des années d'abus supplémentaires, arbore quelques colliers de perles et du vernis à ongles, Sylvain, sous sa casquette, porte facilement sa guitare grâce à sa petite bedaine et Kane apparaît bien sobre tel une éminence grise légèrement en retrait des deux autres. C'est parti pour dix-neuf titres et plus d'une heure et demie de concert, l'ambiance est plutôt bon enfant, les délires "narcooliques" des années 70 ont disparu et il n'y a plus aucun danger à assister à un live des Dolls, Thunders n'est plus là pour défoncer la tronche des premiers rangs à coups de guitares, ça n'empêche pas ses anciens acolytes de lui dédier "You can't put your arms around a memory-lonely planet boy".

L'avantage de ce Dvd, dont l'image et le son sont tout à fait corrects, est de permettre de voir les têtes des trois membres originaux, entre Sylvain Sylvain, visage poupin faussement angélique qui sautille dans tous les sens et Arthur Kane, plus proche du vieillard pas loin de rendre l'âme, David Johansen porte sa survie sur son visage anguleux, presque diaphane et simiesque, on peut y voir la marque du temps et des abus en tous genres mais sa voix et son charisme restent intacts. En tout cas, les musiciens, anciens ou nouveaux, ne cachent pas leur plaisir d'être ensemble afin d'interpréter les plus grands morceaux du groupe avec une énergie et une puissance parfois impressionnante en conservant parfois leur sauvagerie initiale ; ces titres qui traitent de violence, guerre et sexualité sous toutes ses formes n'ont rien perdu de leur pertinence aujourd'hui, on ne dit plus Vietnam mais Irak, travesti mais drag queen, casseur de pédés mais homophobe… En trente ans, la société n'a pas changé dans le fond et dans la forme elle est encore pire (il n'y a que les Scissors Sisters pour remplacer les New York Dolls se plaint Johansen). On retiendra quelques morceaux de bravoures musicaux comme "Private world", "Personality crisis", "Frankenstein" dans lequel la basse se place au premier rang en englobant les guitares et donne un aspect quasi gothique ou encore "Human being" et son intro qui ressemble à s'y méprendre à celle d' "Interstellar overdrive".

Leur dernier concert, sous la houlette de Malcolm McLaren, à Miami au printemps 1975 avait été annulé à cause des problèmes internes qui minaient le groupe. Trente ans après, cette reformation apparaît comme un chant du cygne pour Arthur Kane (le seul du groupe à avoir suivi une existence morne et dans la norme et qui périra de ses erreurs passées) mais comme une renaissance pour Sylvain et Johansen, Laurel et Hardy du glam-punk qui ne se sont pas tournés les pouces par la suite puisqu'ils ont sorti en 2006 un nouvel album.

On n'oublie pas les bonus : Les balances du concert – "Personality crisis" et "Jet boy" joués en juillet 2004 en extérieur au Move Festival– "It's too late" filmé sous l'angle Johansen ou l'angle Sylvain – témoignages people (Mick Jones, Bob Geldof, Don Letts, Chrissie Hynde…) - galerie de photos - le plus intéressant pour finir : reportage, éloge et interview d‘Arthur "Killer" Kane (par contre, ça manque de sous-titres pour tout suivre).