Never never land

The Pink Fairies

par Francois Branchon le 21/08/2003

Note: 10.0    

Qui se douterait, arpentant aujourd’hui le quartier londonien de Portobello road (ses boutiques d’antiquaires, sa faune bohème cossue chic) que trente ans auparavant, des squatts abritaient là le plus déjanté de l’agit-prop anglaise, les meilleurs dealers, des gangs de bikers ainsi que quelques groupes résidents, politiquement et musicalement purs et durs, l’Edgar Broughton Band, Hawkwind et les Pink Fairies. Les PF se sont formés en 1970 sous l’influence conjuguée des Pretty Things (LE groupe de rock anglais prolo des 60’s) et des anars américains The Fugs. Même si leur anarchie, passée au filtre des communautés post 68 européennes est d’un engagement plus folklorique que celles des cousins Us, les Pink Fairies se manifesteront régulièrement en marge de tous les festivals pop (fort nombreux à cette période), clamant la musique pour tous et jouant souvent à l’oeil en installant leur matos à l’extérieur des enceintes payantes. Un “engagement” symbolique, mais qui donne la mesure de ce groupe avant tout déconneur : prendre son pied. Ayant gobé avec délectation tout ce que le rock anglais a produit de nouveau entre 1966 et 1970, leur musique inventive et joyeuse combine une solide trame rock, des guitares électriques abondamment acides, des vocaux qui ne craignent pas les virages ni les dérapages. “Never never land” est leur premier - et meilleur - album. Plus durs que Pink Floyd (“Heavenly man” semble échappé de “Meddle”), plus planants que Deep Purple (“Do it” fait penser à la rage de “Black night”), plus nerveux que Man et moins bluesy que Led Zeppelin, ils sonnent parfois américains, se rapprochant d’un Captain Beefheart (la longue suite “Uncle Harry’s last freakout”, présente ici en deux versions). Disque aux guitares souvent flamboyantes (“Heavenly man”, “The snake” et ses tricotages saturés), “Never never land” est parsemé d’intermèdes (“The dream is just beginning”) et cache parfois bien son jeu (qui imaginerait la fin aussi échevelée de “Thor” après son intro de piano si calme ?). Réédition soignée et indispensable d’un trésor caché d’acid rock en fusion, certes daté mais jouissif.