More Specials

The Specials

par Yves Canevet le 19/06/2002

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Ghost town
Do nothing


More Specials sera un succès public dès sa sortie en octobre 1980. Directement propulsé à la cinquième place du top 40, le deuxième album du groupe phare de l'écurie 2 Tone est plus abouti et plus ambitieux que le précédent, mais aussi moins attachant. Là où "Specials" était enjoué et direct, "More Specials" est sombre et sophistiqué. L'urgence de la synthèse ska/punk des débuts cède la place à des morceaux au tempo ralenti. Sous l'impulsion de Jerry Dammers, alors que le groupe connaît de grandes tensions internes, les Specials explorent de nouveaux territoires musicaux. "Pearl's café" et "I can't stand it" titubent comme autant de morceaux pop ivres. Si la reprise soul "Sock it to'em J. B." est poussive, les morceaux hispanisants sont bien plus convaincants, notamment "Stereotypes", premier single extrait de l'album en septembre 1980, dont la deuxième partie - tout en écho et réverbération - aura sans doute influencé jusqu'à Massive Attack. Le single suivant est "Do nothing", signé par le guitariste Lynval Golding. On y retrouve tous les ingrédients qui font le charme du groupe de Coventry : rythmique ska, mélodie de chant accrocheuse, paroles autobiographiques sur l'Angleterre désespérante des années Thatcher. Les influences jamaïcaines restent présentes avec deux reprises de "Enjoy yourself". La première est joyeuse, tandis que la seconde évoque un réveil difficile et la gueule de bois d'après la fête... Deux morceaux angoissés retiennent l'attention: "Man at C&A" rappelle la menace atomique, tandis que "International jet set" embarque pour un vol qui finit en crash. Dans cette veine, la réédition propose une plage vidéo de "Ghost town", où les Specials sont au sommet de leur art. Leur virée en voiture dans une ville désertée de ses habitants et les plans sur Dammers, édenté, ressemblent à un mauvais rêve. Réquisitoire contre la violence et le chômage, "Ghost town" et son refrain suraigu résonnent comme un avertissement. Censuré, le titre sera numéro un pendant trois semaines en juillet 1981 alors que des émeutes urbaines éclatent dans tout le pays. Les Specials, dans leur formation historique, se sépareront deux mois plus tard.