My generation (Deluxe Edition)

The Who

par Francois Branchon le 28/09/2002

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
The kids are alright
My generation
The good's gone


Maximum rhythm & blues ! Cette formule écrite sur le petit poster noir et blanc qui accompagnait l'album à l'origine convenait mieux que nulle autre aux Who, mieux même que le célèbre "hope I die before I get old" (que je crève avant de vieillir !) souvent associé à leur style de vie rocambolesque. "Convenait", car même si le groupe honore actuellement - malgré le décès du bassiste John Entwhistle - une tournée de reformation, sa musique est morte depuis longtemps ("Tommy" ?) et ses concerts actuels n'ont l'attrait que du seul tiroir-caisse. Cette réédition est en revanche l'occasion de les vénérer. Venant après quelques mises en bouche (rééditions en Angleterre de "A quick one", "The Who sell out" et du double - parvenu jusqu'en France - "Live at Leeds"), "My generation", l'œuvre originelle de 1965, vient apporter la dernière pièce du puzzle sonique et démontrer une évidence : c'est à leurs tout débuts que les Who furent les plus géniaux.

Sonnant parfois Beatles ("The kids are alright") mais surtout Stones ("Please, please, please"), les Who labourent sans complexe les terrains rugueux du blues/soul/rhythm&blues noir américain, sans esprit dogmatique, juste comme des gamins survitaminés de Shepherd's Bush (West London) qu'ils sont (19 ans), composant des morceaux aussi bien trempés ("A legal matter") que les reprises qu'ils adorent faire. Mais ce regard tourné vers les noirs américains ne concerne que la forme, les quatre Who sont de vrais petits blancs, la rythmique John Entwistle/Keith Moon est à l'opposé du groove "rollin' and tumblin" des grands musiciens de Motown, les vocaux de Roger Daltrey n'ont rien de soul (et même risible sur les reprises de James Brown) et le jeu de guitare de Pete Townshend, malgré des passages puissants et habiles, est encore en gestation. Désireux - même démarche que les Rolling Stones - de rendre une copie "rock" de leur devoir de blues, les Who vont voir leur manager Kit Lambert sérieusement le corriger. Mécontent des reprises enregistrées lors de la session d'enregistrement d'avril 1965, il presse Townshend d'écrire des morceaux plus "modernes". Après une deuxième session en octobre, l'album original (12 titres) sort expurgé de la majorité des reprises américaines à l'exception de "I don't mind" et "Please, please, please" de James Brown et "I'm a man" (puissant et étiré) de Bo Diddley, utilisés en remplissage. Et au final, "My generation" est une sorte de Chicago blues/soul garage de Detroit dopé au son hard pop de Shepherd's Bush !

Sur "Out in the street" et "It's not true" écrits par Townshend, les riffs sortent tout droit de l'usine à hits de Berry Gordy. Le puissant "My generation" et son solo joué à la basse s'inspire des "talking blues". Sur "The good's gone", "La-la-la lies" et "A legal matter" en revanche, Townshend établit les bases de ce qui sera le "son Who", distinctif et puissant. Cette réédition Deluxe restitue les titres R&B rejetés et fait du deuxième Cd une sorte de "Nuggets" rock/soul, avec les reprises de "Leaving here" et "Heatwave" de Holland-Dozier-Holland, "Shout and shimmy" la version longue de "I don't mind" de James Brown, le salace "Daddy rolling stone" d'Otis Blackwell, le rageur "Anytime you want me" de Garnet Mimms, "Lubie" de Paul Revere et "Motoring" de Ivy Hunter. On sent une tension dans ces versions, probable trace des conflits que le groupe traversait pour se "réinventer". Kit Lambert a probablement eu raison de sucrer ces titres à l'époque, comme Shel Talmy (auteur de la réédition) a également eu raison de les publier aujourd'hui, car ils complètent à merveille l'image naissante des Who. On trouvera également plusieurs prises alternatives dont l'instrumental de "My generation" avec son incroyable partie de basse (quel son !) et la version longue de la pépite de ce disque, "The good's gone", quand les Who parviennent à une espèce de nirvana, le groove des Stones et l'élégance des Kinks.