The dark age of love

This Immortal Coil

par Emmanuel Durocher le 07/11/2009

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Red queen
Ostia


Coil s'est arrêté en 2004, au moment de la mort de John Balance, co-fondateur de ce groupe emblématique de la deuxième vague industrielle du post punk avec Sleazy, son compagnon, au début des années 80. Les deux anciens Psychic TV concevaient à leurs débuts une musique énigmatique où se mêlaient ambiances bruitistes à l'instrumentation incongrue (theremin, fairlight, gong, bulroarer...) et cosmologie fourre-tout (chamanisme, kabbale, alchimie...). Avec le EP inaugural "How to destroy angels" et leur premier album "Scatology", le duo anglais s'attaquait aux tabous dans une tradition gay et moderne que l'on retrouve chez Genet et Burroughs avec une musique "visant à l'accumulation d'énergie sexuelle mâle".

Durant son existence, Coil s'est forgé une solide expérience avec ses nombreux disques explorant les différentes facettes de la musique industrielle en la dérivant du néo folk jusqu'au drone. Complètement ignoré du grand public, ce son aura marqué quelques esprits comme celui de Stéphane Grégoire du label Ici d'Ailleurs qui a mis près de cinq ans à mettre un point final à ce "Tribute to Coil". Comme pour le projet This Mortal Coil d'Ivo Watts Russell de 4AD il y a vingt-cinq ans (concept des groupes à géométrie variable), le Lorrain a fait appel aux artistes de son label (Yaël Naim, Bonnie Prince Billy, Yann Tiersen, Matt Elliott, DAAU, Chapelier Fou, Sylvain Chauveau, Christine Ott, Oktopus, Nightwood, David Donatien, Nicolas Jorio) pour revisiter les morceaux de Coil.

Des reprises n'évoquant pas grand chose au plus grand nombre tant les titres originaux sont méconnus mais ce recueil hommage permet de découvrir des compositions sorties de l'ombre. Hormis l'inquiétant et collectif "Blood from the air" à la limite de l'expérimentation et du free jazz et "Chaostrophy" par DAUU et Christine Ott, exercice instrumental tendu où les silences deviennent plus bavards que les mots, peu de reprises portent la marque industrielle originale : Yael Naïm livre une version feutrée (proprette diront certains) de "The dark age of love" et transforme "The tattoed man" en une sorte de musique de cabaret mélancolique dont le dénuement sert à mettre en avant la voix de la chanteuse. Sylvain Chauveau se lance dans une relecture d'"Amber" faisant penser à du Depeche Mode alors que "Cardinal points" par DAUU et Christine Ott ressemble à du Yann Tiersen. Ce dernier, par contre, s'est un peu éloigné de son style si caractéristique en s'acoquinant sur quatre titres avec Matt Eliott : "Secret domain" et "Teenage lightning" retrouvent les penchants de l'Anglais pour la musique slave en la noyant dans un éther industriel mais il faut absolument s'attarder sur les dix minutes de "Red queen" - symbolisant l'osmose parfaite du binôme - avec voix suave et grave, musique minimaliste, répétitive, belle, triste et simple venant d'une autre dimension. La contribution unique de Bonnie Prince Billy en compagnie de DAUU et Christine Ott n'est pas la moindre, "Ostia" devient un Ovni teinté de psychédélisme champêtre et de musique Klezmer pas si éloigné du folk pastoral du barbu quasi christique.

Forcément inégal et parfois déroutant, cet exercice, fruit d'un amour fanatique, de rencontres improbables et d'amitiés solides, mérite plus qu'une oreille distraite pour pénétrer dans son univers...