Hollywood dreams

Thunderclap Newman

par Damien Berdot le 15/10/2009

Note: 8.0      
Morceaux qui Tuent
Something in the air
Accidents
The reason

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Voici un des plus improbables attelages que les sixties, pourtant prodigues en la matière, nous ont légué. Qu'on en juge plutôt : à John "Speedy" Keen, roadie/suiveur des Who (il avait composé pour eux "Armenia city in the sky"), désireux de faire vivre ses chansons, Pete Townshend eut l'idée d'adjoindre Andy "Thunderclap" Newman, qui jouait du piano ragtime dans des bars enfumés mais qui était aussi capable de souffler dans toutes sortes de bois, ainsi que le surdoué de la guitare Jimmy McCulloch, qui n'avait alors que quinze ans. Townshend, non crédité, se chargea lui-même des parties de basse. Le résultat fut inespéré : "Something in the air" atteignit la première place des charts britanniques en mai 69 et y resta pendant trois semaines.

Aucun plan n'avait été échafaudé pour promouvoir le single : des renforts durent être engagés en catastrophe, et quelques concerts furent donnés - pas plus de cinq, selon certaines sources. Le succès prit tellement de court Townshend, engagé alors dans la tournée de "Tommy", que l'album destiné à accompagner "Something in the air" ne put être produit qu'une année plus tard : il sortit en septembre 70 (trop tard sans doute). Sur la pochette, dans un noir et blanc de cinéma : deux hippies à chapeaux trônant fièrement, accompagnés d'un gros barbu - c'est "Thunderclap" -, tout ce monde-là ayant l'air allumé ou inquiétant, au choix. La pochette avait, entre autres mérites, celui d'illustrer le contenu : "Hollywood dream" est un album étrange et baroque. Les chansons s'interrompent souvent pour laisser place aux improvisations de "Thunderclap", qui frappe son piano comme un dingue. Evidemment, les amateurs d'unité d'action aristotélicienne tiqueront quelque peu... La production de Pete Townshend, quant à elle, est excellente, sans que soit retrouvée la puissance qui transfigurait "Armenia in the sky" : les guitares rythmiques ont un son très clair - et cependant McCulloch livre plusieurs solos violemment distordus.

Le morceau phare de l'album est, bien sûr, "Something in the air". Comme le "Revolution" de Lennon, dont il portait le nom, avant que pour des raisons évidentes il fut décidé d'en changer, il capte parfaitement les vibrations ayant succédé à l'harmonie du flower power ("quelque chose est en train d'arriver mais [on] ne [sait] pas ce que c'est"). Il sera à ce titre repris dans d'innombrables musiques de films. On retrouve certaines de ses marques stylistiques (une descente de basse harrisonienne, un solo de piano rythmé par la cruche des jug bands) dans d'autres sommets de l'album, comme le single-somme "Accidents", qui contient tout ce dont Thunderclap Newman est capable : un passage instrumental façon New Orleans (avec le kazoo), un solo d'harmonica surchauffé, un solo de guitare saturée, et surtout une coda complètement démente, où des bruits de verre et d'accidents se font entendre, pendant qu'une voix répète "Life's just a game, you fly your paper plane, there is no end". Sensation psychédélique garantie ! Troisième single, troisième sommet : "The reason". Le côté pop (la voix haut perchée de Keen, la progression harmonique) y côtoie l'énergie contenue du rock : la section rythmique toujours prête à exploser, le solo final à deux guitares... Un harmonica mélancolique (Chris Morphet) vient se poser par-dessus une sobre et assez géniale alternance d'accords... D'autres chansons sont à citer : "Hollywood dream", un instrumental composé par McCulloch, "Hollywood", notamment dans sa deuxième version... Parmi les six bonus tracks (les trois singles et leurs faces B), on recommandera "Wilhemina", une pochade enjouée signée par Newman, et emportée par un formidable solo de McCulloch.

Il est vraiment dommage que Thunderclap Newman n'ait pas pu donner de suite à ce premier album. Son éclectisme le condamnait sans doute dès le départ : Newman expliqua qu'il avait des accointances avec la musique de Keen mais pas avec lui personnellement, tandis qu'avec McCulloch c'était exactement l'inverse !



THUNDERCLAP NEWMAN Something in the air (Beat Club 1970)


THUNDERCLAP NEWMAN Accident (Son Seul)